Les principales garanties financières obtenues ces derniers mois par le Soudan auprès de la communauté internationale sont liées au processus démocratique dans lequel s’est engagé le pays. Avec la nouvelle crise politique, Khartoum pourrait voir plusieurs de ses soutiens être remis en cause.
C’est désormais officiel, le Soudan vient de subir un nouveau coup d’Etat, le deuxième en 3 ans. Ce 25 octobre 2021, le général Abdel Fattah al-Burhane a officiellement annoncé la dissolution du gouvernement, quelques heures après l’arrestation du Premier ministre Abdalla Hamdok et de plusieurs membres civils de son gouvernement.
Celui qui était jusque-là le président du Conseil souverain de transition a également annoncé la mise en place d’un état d’urgence dans le pays. Pour ce faire, l’armée a été déployée dans la capitale Khartoum, alors que plusieurs manifestants réclament un retour des civils au pouvoir.
Si ce coup d’Etat semble représenter un véritable rétropédalage par rapport aux avancées démocratiques réalisées jusqu’ici par le Soudan, il faut également souligner qu’il envoie un signal plus ou moins négatif à ses partenaires financiers.
En effet, les acquis démocratiques obtenus par le Soudan depuis la chute du général Omar el-Béchir avaient notamment permis au pays est-africain de négocier son retour dans le système financier international. Ainsi, la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par des civils et des militaires avait notamment permis au pays de lui assurer une certaine crédibilité sur la scène internationale, notamment auprès de la France qui s’est faite l’avocate de Khartoum auprès de ses autres créanciers.
A l’issue d’âpres négociations qui ont notamment entraîné la promesse d’un dédommagement aux familles américaines victimes du terrorisme et l’établissement de relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël, le Soudan a ainsi pu quitter la liste noire américaine des sponsors du terrorisme.
Dans le sillage de ce processus, le pays a également obtenu des financements de la France et des USA, notamment pour régler ses arriérés envers les principales institutions de financement multilatérales que sont la Banque mondiale, le FMI ainsi que la BAD, et il est engagé depuis plusieurs mois dans l’initiative PPTE, destinée à annuler environ 90% de sa dette extérieure.
Une initiative dont l’objectif à terme est de lui permettre de dégager la marge de manœuvre nécessaire pour financer ses projets de réformes économiques et de développement visant à le sortir d’une crise économique qui a maintenu son économie dans la récession pendant trois années successives (-2,7% en 2018, -2,2% en 2019 et -3,6% en 2020, selon le FMI).
Mais alors que Abdalla Hamdok, principal interlocuteur soudanais des partenaires internationaux du pays a été mis aux arrêts, les risques d’une remise en cause, voire suspension de tout ce processus se font grandissant. Malgré les engagements des militaires à former un « gouvernement de personnes compétentes », et à poursuivre « la transition vers un Etat civil », on observe déjà une levée de boucliers de la part de la communauté internationale.
Le président français Emmanuel Macron a ainsi appelé « à la libération immédiate et au respect de l’intégrité du Premier ministre et des dirigeants civils » alors que, du côté des USA, on affirme que « tout changement du gouvernement de transition par la force pourrait mettre en péril l’aide américaine ».
D’après le ministère de la Communication, les militaires auraient tiré à balles réelles sur les manifestants qui contestaient le coup d’Etat. Bien qu’aucun bilan ne soit encore disponible, plusieurs observateurs craignent que cette escalade des tensions entraîne une insécurité de nature à exacerber la crise inflationniste et la crise sociale qui avaient déjà entraîné des manifestations ces derniers mois contre le gouvernement d’Abdalla Hamdok.
Pour 2021, le FMI tablait sur une légère reprise de la croissance à 0,9%. Une reprise qui pourrait être perturbée par la crise politique actuellement en cours.
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