Alors que l’Afrique doit faire face à des défis éducatifs majeurs, avec des taux de scolarisation et de réussite encore faibles, les gouvernements misent de plus en plus sur les programmes d’alimentation scolaire pour faire de la cantine un véritable moteur de progrès éducatif et économique.
Le 19 novembre, la Guinée a illustré cette évolution en réunissant, autour de son ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire, une délégation du Programme alimentaire mondial (PAM). L’objectif consistait à actualiser la politique nationale d’alimentation scolaire, mais l’enjeu allait bien au-delà d’un simple document administratif.
Le ministre Jean Paul Cedy a rappelé que la cantine constitue, selon lui, un intrant pédagogique majeur, une pièce maîtresse dans la réussite éducative. Cette prise de position rejoint une tendance observable dans de nombreux pays africains où la cantine n’est plus perçue comme un dispositif d’appoint, mais comme un élément stratégique des politiques publiques.
Les données publiées en 2025 par le PAM confirment cette montée en puissance. En Afrique subsaharienne, vingt millions d’enfants supplémentaires ont été intégrés dans des programmes financés par les gouvernements au cours des deux dernières années. Le rapport « State of School Feeding Worldwide 2024 » montre que le nombre total d’enfants recevant un repas scolaire est passé de 66 à 87 millions entre 2022 et 2024. L’Éthiopie et le Rwanda figurent parmi les pays les plus dynamiques, selon des analyses disponibles sur ReliefWeb.
Une force pédagogique et économique
Les recherches démontrent l’impact majeur de la cantine sur la réussite éducative. Une étude parue en 2021 dans Public Health Nutrition a suivi 480 élèves dans le sud de l’Éthiopie. Ceux bénéficiant d’un repas quotidien manquaient deux fois moins les cours et abandonnaient l’école beaucoup moins souvent, avec un risque six fois inférieur. Les résultats scolaires montraient également une amélioration notable, parfois supérieure à des interventions plus coûteuses telles que la formation continue des enseignants.
Cette dynamique se retrouve au Bénin, où les analyses du PASEC (Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN) indiquent que les écoles dotées d’une cantine enregistrent de meilleurs scores en lecture et en mathématiques tout en affichant des taux d’abandon plus faibles. Le PAM souligne que ces performances sont directement liées à la présence d’un repas régulier et nutritif.
L’impact économique est également significatif puisque chaque dollar investi au Malawi peut générer jusqu’à 35 USD de bénéfices grâce à l’amélioration du capital humain et à la création d’emplois dans les chaînes d’approvisionnement. Le modèle basé sur l’achat local renforce cette dynamique en reliant directement les cantines aux agriculteurs et aux coopératives.
Le Bénin offre un exemple marquant puisque l’achat de produits locaux pour les cantines a injecté plus de 23 millions USD dans l’économie en 2024. Les acquisitions auprès des petits exploitants ont augmenté de 800 % en un an et ont amélioré les revenus de plus de 23 000 producteurs. Le Burundi a enregistré des résultats similaires avec une hausse de 50 % des revenus agricoles et l’activité de 67 coopératives représentant 20 000 membres.
Un atout qui peine encore à se déployer pleinement
Malgré ces avancées, le potentiel de l’alimentation scolaire reste sous-exploité. Selon le PAM, 48 pays africains sur 54 disposent aujourd’hui d’un programme de repas scolaires, ce qui représente environ 75 % du continent. Mais la couverture réelle demeure faible et inégale. En Afrique subsaharienne, seuls 20 à 30 % des élèves scolarisés bénéficient effectivement d’un repas quotidien, parfois moins de 10 % dans les pays les plus fragiles. Même lorsque les politiques existent, elles atteignent souvent une partie limitée des enfants.
Les freins principaux restent les budgets insuffisants, les infrastructures scolaires fragiles, le manque de cuisines adaptées et la dépendance à l’aide extérieure. Le PAM souligne que ces contraintes affectent la continuité et la qualité des programmes.
Malgré tout, le continent dispose d’un momentum rare avec un engagement politique croissant, un appui technique renforcé du PAM et le soutien de la School Meals Coalition. Si ces dynamiques se poursuivent, l’alimentation scolaire pourrait devenir l’un des leviers les plus puissants pour améliorer la réussite éducative, réduire les inégalités et stimuler les économies rurales africaines. La priorité reste désormais d’élargir la couverture et d’assurer la pérennité des programmes essentiels.




















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