Au Sénégal, comme dans la majorité des pays en Afrique, la production fruitière est principalement orientée vers la consommation locale. Dans le pays, la filière banane gagne de plus en plus en importance, nourrissant même des ambitions d’autosuffisance.
105 000 tonnes. C’est la production de banane réalisée par le Sénégal en 2025, selon les données de l’Agence de Régulation des Marchés (ARM). Si ce stock est en baisse de 7 % par rapport aux prévisions de 112 500 tonnes attendues par les autorités, il affiche cependant une progression de près de 40 % par rapport à l’année précédente.
Une performance qui devrait permettre au pays de s’imposer sur la troisième marche des pays producteurs de banane de l’UEMOA, derrière le Mali et la Côte d’Ivoire, et de confirmer la dynamique de croissance observée dans la filière sénégalaise depuis quelques années.
Une croissance spectaculaire
Alors que la récolte moyenne de banane au Sénégal s’élevait à 34 500 tonnes entre 2018 et 2022, d’après les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), elle a quasiment doublé pour atteindre 74 776 tonnes en 2023, selon les données officielles. Et si un objectif de 90 000 tonnes était en vue en 2024, les acteurs de la filière indiquent qu’en raison des périodes d’inondation la production a stagné cette année-là avant de poursuivre sur sa dynamique croissante pour franchir la barre des 100 000 tonnes en 2025.
Il convient de noter que la région de Tambacounda fournit 80 % de la production de banane au Sénégal. Elle est soutenue par des foyers de production établis dans d’autres régions comme Kolda, Sédhiou ou encore Niandane.
Selon le ministère de l’Agriculture, cette montée en puissance traduit l’engagement des producteurs fédérés au sein de l’Institut National d’Appui au Développement Rural (INABAS) et du Collectif régional des producteurs de bananes de Tambacounda (CORPROBAT). Elle concrétise en outre les efforts et les principaux projets d’investissements initiés dans la filière, dont le plus important observé sur la dernière décennie est le Projet d’agrégation de la chaîne de valeur banane.
Lancé en 2021 à la suite d’un accord signé entre le ministère de l’Agriculture, la société Investissement & Développement de l’Agriculture Biologique “Id Bio SA” et le CORPROBAT, ce projet quinquennal visait d’une part l’amélioration de l’organisation de la production de la banane à travers l’encadrement technique de 8 250 producteurs regroupés au sein de 23 groupements, et d’autre part, la mutualisation des moyens de production. La facilitation de l’accès au financement et aux systèmes d’assurance constituait également un volet important.
D’un coût total de 6,7 milliards de francs CFA (11,8 millions $), l’ambition affichée était alors de parvenir à combler le déficit de production face à la demande annuelle évaluée à près de 130 000 tonnes, à travers des interventions visant l’extension des surfaces de culture et l’optimisation des conditions de mise sur le marché, pour susciter davantage l’intérêt des producteurs.
L’autosuffisance en ligne de mire
« Si la tendance se maintient, nous pourrons couvrir près de 80 % de nos besoins dès 2025, et franchir la barre des 90 % en réduisant les pertes post-récolte », soulignait Mabouba Diagne, ministre de l’Agriculture, dans un communiqué publié le 7 juillet dernier.
Plus optimiste, Yaya Mamadou Sall, président du CORPROBAT, estimait qu’avec une mobilisation collective des acteurs de la filière, l’autosuffisance en bananes pourrait être atteinte dès 2027, dans des propos relayés par le média local Seneweb en mai dernier.
Cependant, il faudra non seulement entretenir la croissance de la production pour satisfaire la demande sur le marché intérieur, mais aussi améliorer la compétitivité de la filière locale par rapport aux importations, en l’occurrence depuis la Côte d’Ivoire, premier exportateur africain du fruit.
Les données compilées sur la plateforme Trade Map indiquent par exemple qu’en 2024 le Sénégal a importé 16 341 tonnes de bananes d’une valeur de 6,7 millions $, dont près de 98 % du stock provenait de la Côte d’Ivoire et le reste du Ghana.
Selon les observateurs, la banane locale est peu mise en valeur sur les marchés en raison de sa petite taille, de sa durée de conservation limitée, de son goût jugé moins attractif et de sa disponibilité saisonnière, contrairement à la banane ivoirienne, plus esthétique, durable et omniprésente.
Alors que l’ARM a annoncé le 21 juillet dernier son intention de geler les importations entre septembre et décembre prochains, dans le cadre d’une initiative visant à renforcer la filière sénégalaise et valoriser la production locale, un succès de cette mesure pourrait permettre sa reconduction pour les années à venir.
La conquête du marché local dépendra de la capacité des producteurs à répondre à la demande, mais aussi à regagner la confiance des consommateurs face à une concurrence sous-régionale bien établie.
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