Dans le cadre de la remise du premier Prix Africain du Journalisme d’Investigation au Burkina Faso, l’Institut des Afrique a posé ses valises ce samedi 13 novembre en France à Cap Science Bordeaux. L’objectif ? Se questionner sur l’évolution des pratiques et de la perception du journalisme d’investigation sur le continent africain.
Le Prix Africain du Journalisme d’Investigation s’offre une table ronde à Bordeaux Autour de la table, les intervenants se succèdent pour partager leur vision du journalisme d’investigation. Vallonée de multiples obstacles, cette branche médiatique n’a cependant pas dit son dernier mot.
Cette conférence, animée par le journaliste reporter Raoul Mbog, a vu de multiples avis, souvent tranchés se succéder. Concernant l’intérêt au métier de journaliste d’investigation, Hanène Zbiss, journaliste d’investigation et formatrice à l’IPSI Tunis se réjouit du fait que “l’intérêt du public augmente pour l’investigation en Afrique. Beaucoup de personnes veulent se former à ce métier là“.
Précarité et manque de soutien
Malgré cette première remarque encourageante, Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef de TV5 Monde Afrique, préfère tempérer. Considérant que la précarité des journalistes d’investigation est une “honte“ pour le journalisme français, il déplore notamment le manque d’accompagnement financier de ces derniers. “Il y a une double contrainte, trouver des financements et trouver un financement qui assurerait leur pérennité“ observe de son côté Hanène Zbiss.
Le soutien du public semble lui aussi laisser à désirer. Ousmane Ndiaye soulève le fait que « lorsque qu’une affaire est internationalisée ou a un écho, cela apporte une protection. Quand un journaliste fait un travail en Afrique qui le met en danger, on le relai pour essayer de le protéger.“
“Dans le journalisme, la technique est universelle, contrairement aux moyens“
La question des moyens est une question centrale dans le journalisme. Autour de la table, tout le monde s’accorde à dire que l’investigation demande le plus d’investissement.
Cela commence par les enquêtes au long cours que les grandes rédactions ne veulent plus financer. Trop coûteuses. Sans compter sur les moyens logistiques et humains qui ne font que s’amoindrir. “Dans le journalisme, la technique est universelle, contrairement aux moyens“ assène Ousmane Ndiaye. Techniquement, les bases journalistiques sont les mêmes à travers le monde.
Angles, 5W, sources, et solidité de l’information sont les bases communes du journalisme des deux côtés de la mer. Cependant les moyens mis à disposition par les politiques sont problématiques selon Etienne Damome, enseignant chercheur à l’université de Bordeaux Montaigne et analyste des médias.
“Les journalistes sont les plus pourchassés par les pouvoirs locaux, ce sont ceux qui dérangent, ceux qui vont fouiller pour ressortir des faits. Il est difficile de développer l’investigation dans ce contexte là.“
“Le métier que j’ai appris n’est plus le même“
L’évolution technologique ayant précipité les médias dans l’ère du tout numérique, de l’instantané et de l’information de dernière minute, l’ensemble des intervenants semblent se rejoindre sur le manque flagrant d’éducation aux médias. Hanène Zbiss décrit le journalisme d’investigation comme un “chemin fatiguant qui demande beaucoup d’énergie à dépenser, avec beaucoup d’obstacles.
Il faut penser à l’impact que cette investigation aura sur la vie des gens.“ Malgré le manque de reconnaissance du public d’un côté et l’acharnement d’une partie de la classe politique de l’autre pour décrédibiliser ces enquêtes. “Le métier que j’ai appris n’est plus le même“ constate Ousmane Ndiaye.
Ne voyant pas uniquement le journalisme d’investigation comme un contre pouvoir, mais plutôt comme un moyen d’habituer nos sociétés à l’autocritique, le journalisme d’investigation serait selon lui, le “baromètre de nos démocraties“.
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