Peu de pays africains ont sollicité le marché international des capitaux cette année. La ressource est destinée à permettre au Cameroun de se conformer à des exigences du FMI, mais aussi à renforcer les réserves de change de la sous-région. La réaction des investisseurs est à suivre.
L’ordonnance du président camerounais, Paul Biya, modifiant la Loi de finances pour l’année 2024 prévoit que le pays devrait solliciter le marché international des capitaux à hauteur de 467 milliards FCFA (soit environ 761,4 millions de dollars). Selon le document, les ressources seront mobilisées sur les « marchés bancaires extérieurs ». L’opération semble urgente car elle n’était pas prévue au budget de l’Etat exercice 2024. Le document présidentiel indique que les ressources à mobiliser sont destinées à payer des arriérés de dette intérieure. Il s’agit pour l’instant des sommes reconnues comme étant dues par le gouvernement sur la période allant de 2000 à 2019.
Elles sont constituées d’arriérés de salaire de fonctionnaires (303 milliards FCFA), de remboursements de taxes non effectués (216 milliards FCFA) et de diverses dettes commerciales (122 milliards FCFA). Un plan de remboursement s’étalant sur 3 à 7 ans avait été adopté par les autorités, mais le Fonds monétaire international (FMI), avec lequel le Cameroun est sous programme, a dû faire pression. Pour le gouvernement, l’enjeu principal est que la gestion de ce problème conditionne l’obtention des appuis budgétaires additionnels de 240 milliards FCFA attendus de divers bailleurs de fonds. Il aurait été plus simple de solliciter le marché local des capitaux.
Mais dans un contexte où les volumes de liquidité sont faibles dans le secteur bancaire de la CEMAC, très sollicité par les Etats de la sous-région, il aurait été difficile de mobiliser les ressources adéquates (volume et délais de remboursement) pour mener l’opération. D’ailleurs, il est même prévu de réduire de 95 milliards FCFA les émissions de bons du Trésor sur le marché sous-régional. En allant sur le marché mondial des capitaux, le Cameroun répondra aux exigences du FMI pour ses créanciers intérieurs, se donnera la marge de 3 à 7 ans qu’il souhaitait pour honorer cet engagement, et mobilisera des ressources en devises additionnelles de 707 milliards FCFA (1,15 milliard de dollars) qui viendront renforcer les réserves de change de sa communauté économique. Quant à la forme que prendra l’opération, la précision des banques comme cible pour mobiliser les ressources souhaitées laisse penser soit à une opération de syndication, soit à une opération privée.
De ce point de vue, le Sénégal a, le 10 juin dernier, mobilisé 500 millions de dollars dans les mêmes conditions au taux d’intérêt de 7,75%. Il recherchait au départ 750 millions de dollars. Les prochaines étapes pour le Cameroun seront de bien choisir l’institution financière qui l’aidera à arranger l’opération. Le Sénégal a travaillé avec JP Morgan, mais des groupes comme Citi pourraient être tout aussi efficaces. Lorsque le Cameroun aura confirmé son opération, il rejoindra 7 autres pays africains qui, depuis début 2024, ont déjà levé des fonds sur le marché international des capitaux. Il s’agit du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Kenya, du Sénégal, et très récemment de la Zambie. La réaction des investisseurs est à suivre. Récemment, et ce jusqu’en février 2024, les agences de notation avaient sanctionné le Cameroun pour plusieurs retards techniques et non constitutifs de défaut de paiement, ramenant sa note à celle attribuée à des pays en risque de défaut de paiement. Moody’s a assorti la sienne de perspectives stables. Même si ce ne sont que des « opinions », il est souvent récurrent que cela impacte le taux d’intérêt demandé par les prêteurs internationaux.
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