Avec un taux moyen de pénétration d’Internet avoisinant 45%, l’Afrique poursuit ses efforts pour garantir l’inclusion numérique et asseoir une économie 4.0. Mais des défis liés à la cherté d'Internet et des appareils d'accès, et à la disponibilité de l’énergie électrique demeurent.
Alors que l’Afrique ambitionne de devenir un hub mondial de l’innovation et du numérique, la crise énergétique persistante menace de ralentir ces aspirations. Les coupures d’électricité répétées, les infrastructures peu fiables et les coûts élevés constituent autant d’obstacles qui pourraient compromettre la transformation numérique du continent, pourtant porteuse de promesses économiques et développementales.
Les initiatives telles que l’extension de la couverture réseau, l’adoption de la 5G, la digitalisation des services publics ou encore la croissance des startups technologiques sont directement touchées. Les coupures récurrentes d’électricité perturbent l’accès continu à Internet, freinant ainsi les avancées dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé et le commerce électronique.
Une réalité alarmante
Dans une tribune publiée le 15 janvier 2025, Wale Shonibare, directeur des solutions financières, de la politique et de la régulation de l’énergie à la Banque africaine de développement (BAD), a rappelé qu’environ 600 millions d’Africains, soit près de la moitié de la population du continent, n’ont toujours pas accès à l’électricité.
Lors de sa réunion de printemps d’avril 2024, organisé sous le thème : « Dynamiser l’Afrique : que faut-il faire pour accélérer l’accès à l’énergie et améliorer la vie des gens ? », la Banque mondiale a prévenu que plus d’un demi-milliard de personnes risquaient de ne pas avoir accès à l’électricité d’ici 2030 en Afrique subsaharienne. Parmi elles, 400 millions vivent dans des États fragiles, frappés par les conflits et la violence.
Le cas de l’Afrique du Sud
En Afrique du Sud, l’année 2023 a été l’une des plus difficiles en 15 ans, selon le think tank CIPESA (Collaboration sur la politique internationale en matière de TIC pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe). Le pays a connu 300 jours de délestages, avec des coupures pouvant atteindre huit heures par jour. Ces interruptions ont coûté à l’économie un milliard de rands par jour (55 millions de dollars). Face à cette crise, l’Autorité indépendante des communications d’Afrique du Sud (ICASA) a mis en place un comité chargé d’évaluer l’impact des délestages sur les consommateurs de services électroniques.
Malgré un taux de pénétration Internet de 75 % en 2023, les coupures ont gravement affecté les gains numériques des ménages et des petites entreprises. Les fournisseurs de services ont dû dépenser 2,5 milliards de rands en batteries et 930 millions en générateurs pour maintenir leurs activités. Ces coûts considérables alimentent la fracture numérique déjà exacerbée par le prix élevé des smartphones et de l’accès à Internet.
Un impact généralisé
La GSMA, l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie, souligne que la faiblesse des réseaux électriques africains perturbe la qualité des services télécoms. Les coûts énergétiques représentent une part croissante des dépenses d’exploitation des opérateurs. Pour certains, l’énergie constitue jusqu’à 50 % de leurs coûts d’exploitation, notamment en raison du recours massif aux générateurs diesel.
La production d’électricité à base de diesel coûte trois à quatre fois plus cher que l’électricité du réseau. Dans des pays comme la RD Congo, l’Éthiopie ou la Zambie, ce ratio est encore plus élevé. Certains opérateurs déclarent consommer des centaines de milliers de litres de diesel par mois pour maintenir leurs infrastructures. Des coûts qui peuvent être répercutés sur les tarifs des services, les rendant inaccessibles pour la grande majorité des consommateurs.
Une transformation numérique à risque
Les centres de données, essentiels à l’économie numérique, sont également touchés. Leur exploitation, très gourmande en énergie, devient coûteuse et peu viable dans des environnements marqués par des pénuries d’électricité. Certaines multinationales préfèrent ainsi investir dans d’autres régions, aggravant le fossé numérique africain.
Si de nombreux acteurs du numérique se tournent vers le solaire pour alimenter leurs infrastructures, cette solution reste partielle. Une grande partie de la population ne dispose pas d’accès à ces énergies alternatives. Sans une résolution rapide de la crise énergétique, l’Afrique risque d’évoluer vers une transformation numérique exclusive, laissant des millions de personnes en marge de cette révolution technologique.
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