Alors que le pays se prépare à exploiter d’importants gisements de pétrole et de gaz, NRGI rappelle que 15 à 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de l’exploitation pétrogazière et qu’il est possible de les réduire considérablement. Pour l’ONG, les annexes du Code pétrolier sénégalais de 2019 qui traitent de ce sujet doivent être rendus publics.
La réduction des émissions des opérations pétrolières et gazières au Sénégal, où d’importants gisements d’hydrocarbures devraient entrer en production en 2024, est susceptible d’augmenter les revenus du gouvernement, d’améliorer l’accès de la population à l’énergie et de réduire les impacts néfastes sur la santé et l’environnement des communautés locales, a indiqué l’ONG Natural Resource Governance Institute (NRGI) dans un rapport publié le 7 septembre.
Intitulé « Minimiser les émissions des opérations pétrolières : Pourquoi la société sénégalaise devrait s’en préoccuper », le rapport rappelle que même si la plupart des émissions provenant du pétrole et du gaz sont générées lorsque ces combustibles sont brûlés pour produire de l’énergie, les émissions provenant des opérations pétrolières et gazières elles-mêmes restent significatives. Environ 15 à 20 % des émissions mondiales proviennent de la production, du traitement et du transport du pétrole et du gaz.
Près de la moitié des émissions provenant des opérations pétrolières et gazières sont du méthane, un gaz à effet de serre particulièrement puissant. Les entreprises pétrolières et gazières relâchent du méthane, le principal composant du gaz naturel, en le déchargeant ou par le torchage de l’excès de gaz, ou de gaz non désiré, ou en le laissant fuir des pipelines, des installations de gaz naturel liquéfié (GNL) ou d’autres infrastructures.
Alors que le Sénégal développe son secteur pétrolier et gazier naissant dans un contexte de crise climatique mondiale et de transition énergétique, le rapport souligne que le gouvernement sénégalais, la société civile et le grand public devraient se préoccuper davantage des émissions provenant des opérations pétrolières et gazières pour plusieurs raisons.
Premièrement, la réduction des émissions des opérations pétrolières et gazières peut renforcer la compétitivité des projets actuels et/ou futurs dans le domaine de l’exploitation des hydrocarbures. Les gouvernements, les investisseurs et les clients exercent tous une pression croissante sur le secteur afin de réduire les émissions, non seulement de leurs produits, mais aussi de leurs opérations. Les pays qui ont adopté une taxe carbone n’ont pas encore étendu leur application aux émissions provenant de la production du pétrole et du gaz qu’ils importent, mais cela pourrait bientôt changer.
Risque de réduction de l’accès aux financements
De leur côté, les investisseurs et les clients, y compris les principaux acheteurs de GNL en Asie, font déjà pression sur les entreprises pétrolières et gazières pour qu’elles améliorent leurs pratiques faute de quoi elles perdent des affaires ou des investissements. Ainsi, des émissions élevées pourraient décourager les investissements dans les projets sénégalais en cours de développement et dans d’autres blocs offerts lors des futurs cycles d’octroi de licences. Moins d’investissements dans le secteur signifieraient moins de financements extérieurs de projets de conversion du gaz en électricité pour améliorer l’accès domestique à l’énergie.
À un moment où le financement de l’infrastructure de conversion du gaz en électricité est déjà incertain et où la concurrence pour l’obtenir est féroce, d’importantes émissions provenant de la production de pétrole et de gaz au Sénégal pourraient porter un coup préjudiciable aux ambitions du pays et à sa capacité à garantir un accès universel à l’énergie.
Une baisse des investissements dans le secteur pétro-gazier pourrait également inciter Petrosen, la compagnie pétrolière nationale du Sénégal, à prendre des paris risqués avec des fonds publics dans des projets qui pourraient finalement ne pas être rentables.
Des émissions élevées provenant de la production de pétrole et de gaz pourraient aussi réduire l’accès au financement pour d’autres domaines essentiels au développement durable.
En effet, il y a une tendance à nommer et à stigmatiser les « super-émetteurs » et à identifier les « bombes de méthane. » Un signe possible de ce qui pourrait arriver est l’appel adressé au FMI d’exiger des pays producteurs de pétrole et de gaz qu’ils imposent des pénalités aux émetteurs de méthane comme condition d’accès aux prêts de la Facilité pour la résilience et la durabilité (RSF), un mécanisme de prêt lancé en 2022 par l’institution pour aider les pays à revenu faible ou intermédiaire à relever les défis structurels à long terme tels que le changement climatique.
Les émissions de méthane des projets au Sénégal représenteraient également une opportunité économique gaspillée. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le volume actuel de méthane qui pourrait être raisonnablement réduit des opérations pétrolières et gazières existantes en Afrique subsaharienne aurait la valeur d’environ 14% de sa production totale de gaz, s’il pouvait être utilisé.
Il s’agit de gaz qui pourrait être exporté pour générer des revenus gouvernementaux supplémentaires ou utilisé à l’échelle nationale pour accroître l’accès à l’énergie et la production industrielle.
Renforcer le cadre réglementaire
Au Nigeria, par exemple, le gaz brûlé seul a dépassé l’approvisionnement en gaz sur le marché intérieur pendant une grande partie des deux dernières décennies.
D’autre part, la réduction des émissions liées à l’exploitation des gisements d’hydrocarbures peut limiter les effets nocifs de la production d’hydrocarbures sur la santé des personnes et sur l’environnement. L’impact sur la santé et l’environnement des communautés vivant à proximité des sites d’extraction de pétrole et de gaz est de plus en plus évident.
Par exemple, le torchage de gaz au Nigeria a provoqué des maladies respiratoires et de la fièvre, ainsi que d’autres problèmes de santé, chez les enfants. Il a aussi entraîné des pluies acides et des vagues de chaleur qui ont détruit des terres agricoles et provoqué l’extinction de la flore et de la faune.
A cela s’ajoutent les effets positifs de la minimisation des émissions sur le changement climatique alors que le Sénégal occupe le 37è rang sur un total de 185 pays dans le classement des pays les plus vulnérables au dérèglement du climat.
Le rapport indique par ailleurs que le gouvernement sénégalais commence à prendre des mesures pour réduire les émissions liées à la production des hydrocarbures, tout en soulignant qu’il devrait envisager de renforcer son cadre réglementaire.
Par exemple, le Code de l’environnement interdit la combustion en torchère et l’éventage. Cependant, il n’est pas clair quels mécanismes d’application, y compris pour lutter contre les fuites, sont prévus, tels que des pénalités pour les émissions de méthane.
Les exigences concernant les estimations des émissions et leur déclaration par les entreprises nécessitent également de l’attention. Dans ce cadre, le gouvernement pourrait obliger les entreprises à partager la méthodologie qu’ils utilisent pour faire ces estimations. La divulgation des émissions réelles une fois que la production a commencé sera aussi importante.
ONG ayant pour mission d’améliorer la gouvernance des ressources naturelles dans le but de promouvoir un développement durable et inclusif, NRGI estime également qu’une plus grande transparence est nécessaire pour permettre une reddition de comptes. Au minimum, le gouvernement devrait veiller à ce que le cadre réglementaire actuel soit accessible au public et compréhensible, car les annexes du Code pétrolier de 2019 qui traitent de la minimisation des émissions ne sont pas actuellement dans le domaine public.
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