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Jeremy Flament
10 mai 2025 Dernière mise à jour le Samedi 10 Mai 2025 à 06:27

Le Nigeria mise sur l’industrie sidérurgique pour diversifier son économie fortement dépendante de la manne pétrolière. Au cœur des enjeux : la relance d’un secteur longtemps freiné par des contraintes opérationnelles et financières, la promotion de l’industrialisation à l’échelle nationale et l’accélération des objectifs d’autosuffisance en acier.

Le lundi 14 avril, la société nigériane Chart & Capstone Integrate Ltd a signé un protocole d’accord avec le groupe industriel chinois Sinomach-HE pour la construction d’une aciérie de 2,5 milliards USD dans l’État de Kogi, au Nigeria. Cette initiative représente le dernier développement en date dans le cadre des efforts déployés dans le pays pour relancer l’industrie sidérurgique et réduire les importations d’acier estimées à 4 milliards USD par an.

De nouveaux projets en préparation 

Plusieurs annonces similaires ont été faites ces derniers mois, y compris un accord avec un consortium d’entreprises russes pour la réhabilitation et l’achèvement de la construction de l’aciérie Ajaokuta Steel Company. Le deal, paraphé en septembre 2024, portait également sur la gestion de la National Iron Ore Mining Company (NIOMCO), la compagnie minière publique spécialisée dans l’exploitation de gisements de fer. 

En parallèle, le gouvernement a annoncé en octobre 2024 que l’entreprise chinoise Inner Galaxy Steel Company s’était engagée à investir 300 millions USD dans une nouvelle usine sidérurgique dans l’Etat d’Ogun. Dans le sillage de ces différents projets, les autorités nigérianes optent pour une structuration des politiques de développement de l’industrie sidérurgique.  

C’est notamment dans ce cadre qu’une feuille de route consacrée à ce secteur a été récemment annoncée par le ministre du Développement de la sidérurgie, Shuaibu Audu. Ce plan stratégique, toujours en cours d’élaboration, est prévu pour couvrir une période de 5 à 10 ans et vise à intégrer les meilleures pratiques dans cette filière.  

L’État fédéral a en outre dévoilé une nouvelle loi sur l’industrie métallurgique, censée stimuler le secteur sidérurgique au Nigéria. Le texte est actuellement soumis à l’examen du Parlement nigérian. Ces différentes initiatives mettent en lumière la volonté du pays d’accélérer sa diversification économique, notamment à travers la valorisation de ses ressources en minerai de fer.

Un secteur limité malgré son potentiel

D’après les données de la NIOMCO, le sous-sol nigérian abrite des réserves d’environ 200 millions de tonnes de minerai de fer, avec une teneur d’environ 36 %. Le pays peine cependant à capitaliser sur ce potentiel, notamment en ce qui concerne le volet de la transformation locale. Selon l’Agence nationale d’exploration des matières premières sidérurgiques (NSRMEA), sur un total de 74 usines de production d’acier, seulement 40 d’entre elles sont en activité dans le pays.  

Cette situation fait du Nigeria un importateur net d’acier, en raison d’une demande domestique bien plus élevée que les volumes produits. La même source révèle en effet que la plus grande économie d’Afrique de l’Ouest consomme annuellement 10 millions de tonnes d’acier, alors qu’elle n’en produit que 2,2 millions de tonnes environ. Selon le ministre Shuaibu Audu, les importations d’acier du Nigeria atteignent chaque année près de 4 milliards USD.

Pour réduire cette dépendance, Abuja intensifie les efforts afin de porter la production nationale à 10 millions de tonnes d’acier par an. Atteindre un tel palier serait déterminant pour le Nigeria, surtout en ce qui concerne ses ambitions de diversification économique. L’économie nigériane reste encore dépendante de l’exploitation pétrogazière, une activité qui a représenté environ 81 % des exportations en 2023, et contribue à plus de 5 % au PIB national.

Accélérer les projets en cours 

Malgré les efforts pour soutenir le développement de l’industrie sidérurgique, plusieurs étapes restent à franchir pour concrétiser cette ambition. Une accélération des projets en cours serait par exemple un levier important à considérer. Les différents accords évoqués plus haut ne sont à ce stade qu’à leurs prémices, les investissements promis devant encore être sécurisés. Parallèlement, ce secteur reste aussi confronté à plusieurs défis persistants.

234Intel, une société de conseil en recherche basée au Nigeria, identifie par exemple les déficiences infrastructurelles, le manque de financement ou encore l’instabilité des politiques réglementaires comme des facteurs affectant l’essor de ce secteur. Dans son rapport intitulé« The Steel Industry in Nigeria : Current State, Challenges, and Future Prospects », elle souligne aussi les défis techniques comme un autre défi majeur à relever.  

Wigmore Trading, un négociant commercial actif en Afrique de l’Ouest, va dans le même sens que 234Intel. Il évoque dans son rapport « The Rise of The Steel Industry in Nigeria – Challenges and Opportunities » les contraintes financières persistantes, le cadre réglementaire incertain et la forte concurrence des produits importés, comme des problèmes à résoudre.  

Pour y arriver, Wigmore encourage notamment la promotion de l’industrialisation et des partenariats public-privé. De son côté, 234Intel insiste surtout sur l’accélération de l’achèvement de projets historiques comme l’usine d’Ajaokuta, en cours depuis les années 1970. A cela, il faut ajouter la nécessité de moderniser les infrastructures existantes, d’adopter des politiques cohérentes et stables pour attirer les investissements et de promouvoir la consommation locale d’acier.

La concrétisation des ambitions nigérianes dépendra de la capacité des autorités à traduire les annonces en projets opérationnels. Augmenter la production d’acier permettrait non seulement de réduire les importations, mais aussi de créer une base industrielle susceptible de stimuler d’autres secteurs : construction, automobile ou infrastructures ferroviaires. Cela pourrait générer plusieurs milliers d’emplois directs et indirects, dans un pays où le chômage des jeunes reste élevé.

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