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Agence Ecofin
6 juin 2025 Dernière mise à jour le Vendredi 6 Juin 2025 à 12:20

Longtemps resté dans l'ombre de la pléthorique production nigériane, le cinéma ivoirien se structure et se réinvente, poussé par les autorités qui voient dans la production locale un vecteur de rayonnement international.

La production a comme un air du « Gendarme de Saint-Tropez », en version africaine. Programmé sur les écrans français à partir du 11 juin, « Le retour du gendarme de Abobo » est un film ivoirien, réalisé par le Français Anton Vassil.

Projeté en avant-première lors d’une soirée organisée le vendredi 4 avril dernier à Abidjan, la comédie devrait surfer sur le succès du premier opus, sorti en 2019. « Ici en Côte d’Ivoire, on est bourré de talents », se réjouissait le réalisateur du film lors de son avant-première abidjanaise, estimant que le pays d’Afrique de l’Ouest est « aujourd’hui au centre du cinéma francophone ».

Abidjan se rêve en nouveau « Nollywood »

Éclipsée durant une longue période par le Nigeria voisin, où avec 2 500 films par an l’industrie locale « Nollywood » tourne à plein régime, la Côte d’Ivoire se rêve aujourd’hui en véritable plaque tournante du cinéma africain. Une ambition clairement affichée lors de la deuxième édition du Salon international du contenu audiovisuel (SICA), qui se tenait à Abidjan en novembre dernier.

Réunissant quelque 250 professionnels du secteur et une cinquantaine d’investisseurs, l’évènement visait prioritairement à « combler un vide », d’après le ministre ivoirien de la Communication, Amadou Coulibaly. Selon ce dernier, il n’existait jusqu’alors « aucune initiative pour structurer et promouvoir l’industrie audiovisuelle » locale.

Sur le plan du rayonnement culturel, l’objectif revendiqué est à la mesure des performances économiques de la Côte d’Ivoire qui, forte d’une insolente croissance, s’est imposée depuis une dizaine d’années comme la locomotive de la sous-région.

Pour Amadou Coulibaly, il s’agit bien de « faire de la Côte d’Ivoire une plateforme centrale pour la promotion, le développement et la distribution de contenus audiovisuels africains et internationaux ».

 Et le ministre d’espérer élever Abidjan au rang de « hub incontournable de l’industrie […] en Afrique francophone. […] La Côte d’Ivoire est le nouvel eldorado de l’audiovisuel en Afrique », veut encore croire celui qui est aussi porte-parole du gouvernement. 

Des atouts… et des freins

Héritière d’une longue tradition cinématographique, la production ivoirienne peut s’enorgueillir de belles gloires passées, à l’image du réalisateur Henri Duparc ; ou plus récentes, comme le réalisateur Philippe Lacôte, dont le film « Run » a été projeté sur la Croisette en 2014.

Mais aujourd’hui, ce sont bien les séries télévisées qui dopent l’industrie audiovisuelle de Côte d’Ivoire. Preuve de cet engouement populaire, plusieurs groupes français ont récemment investi dans le pays : ainsi de Canal +, dont la chaîne A+, consacrée aux séries africaines, produit plusieurs télénovelas ivoiriennes ; ou de Pathé, qui a récemment mis 30 millions d’euros sur la table pour ouvrir un multiplexe de six salles à Abidjan.

Des freins demeurent cependant, qui entravent le plein développement du cinéma ivoirien. À commencer par l’épineuse question des financements : si l’industrie audiovisuelle locale « souffre, c’est bien un problème de sous-investissement », reconnaît Amadou Coulibaly.

La problématique de la formation (des techniciens, des artistes…) est aussi récurrente, les quelques instituts professionnels que compte le pays se contentant, faute de moyens et de matériel, de dispenser des formations théoriques.

 « On n’est pas encore là où il faudrait, notamment en termes de compétences », regrette dans les pages du Monde Amos Zadi, administrateur de production. Autant d’obstacles dont semblent avoir pleinement conscience les autorités ivoiriennes.

Le cinéma, un instrument de rayonnement pour les autorités ivoiriennes 

Depuis son élection en 2011, le président Alassane Ouattara s’est ainsi attelé à libéraliser, comme bien d’autres secteurs économiques, le paysage audiovisuel ivoirien. De nouvelles chaînes de télévision privées sont apparues et contribuent au dynamisme de la production locale. Parallèlement, les autorités ont musclé l’arsenal réglementaire afin de convaincre les investisseurs étrangers.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a lancé en 2024 une « Commission du film », dans l’objectif assumé d’attirer les productions internationales en concurrençant Lagos et « Nollywood » sur leur propre terrain ; non sans succès, si l’on en croit le comédien français Jean-Pascal Zadi, qui a choisi Yamoussoukro comme décor de son prochain film, « Le Grand déplacement » prévu pour le mercredi 25 juin.

 Lors de son allocution de fin d’année, Alassane Ouattara a par ailleurs annoncé la création d’une inédite « Cité de l’innovation et de la culture ». Conçue comme un incubateur de jeunes talents, la structure, qui devrait ouvrir ses portes d’ici à la fin de l’année, offrira ressources et moyens matériels aux porteurs de projets innovants.

« Cette cité va intégrer et regrouper dans un lieu unique des infrastructures technologiques de dernière génération, des incubateurs ainsi que des espaces dédiés à la création et à la promotion des arts et de la culture ivoirienne », a promis le chef d’État, selon qui « le dynamisme du secteur de la culture […] et du numérique offre des possibilités énormes en matière de création d’emplois et d’amélioration des conditions de vie des jeunes ». 

« L’Afrique a un narratif à proposer au monde » 

L’annonce présidentielle ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans un processus, enclenché depuis plusieurs années, d’accélération massive de la transformation numérique en Côte d’Ivoire.

 La promotion des nouvelles technologies et des industries créatives fait en effet figure de priorité pour les autorités ivoiriennes, qui y voient tant un moyen de répondre aux aspirations de la jeunesse du pays que de renforcer la compétitivité de la Côte d’Ivoire.

Une tâche facilitée par la confiance accordée par les géants mondiaux du streaming qui, à l’image de Netflix et Canal+, confèrent désormais une visibilité mondiale à la production locale.

« L’Afrique a un narratif à proposer au monde », s’enthousiasme Amadou Coulibaly ; et ce n’est, selon toute vraisemblance, que le début.

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