Selon des experts, l’Union Européenne doit s’impliquer davantage en Afrique, en mettant en place un partenariat équilibré, qui prendra en compte les besoins du continent, en matière de développement. C’était un des enjeux de la conférence qui a eu lieu au Sénat à Paris ce 14 février .
« Afrique-Europe : une relation innovante à construire », est l’intitulé d’une conférence thématique organisée par le think thank, Europa Nova, au Palais du Luxembourg, à Paris, le 14 février dernier.
La rencontre parrainée par Jean-Yves Leconte, sénateur représentant les français établis hors de France, a été marquée notamment par la présence de Jean Louis Guigou, président de l’Institut de Prospective économique du Monde Méditerranéen (IPEMED) et de l’ancien sénateur et député européen, Robert Hue.
Des experts dans les domaines de la coopération, du droit des affaires, de l’investissement économique et du digital, des chercheurs, des représentants de la diaspora et d’ONG africaines ont également pris part aux différents panels de discussions et aux débats.
Dans leurs prises de paroles successives, les intervenants ont tous été d’accord pour dire que l’Europe doit se défaire de sa vision paternaliste dans sa relation avec l’Afrique.
« L’Européen vient nous donner des ordres sous prétexte de nous aider. Nous sommes majeurs et nous n’avons pas besoin d’aide. Ce qu’il nous faut est un accompagnement », a réclamé Diassé Oumou, présidente de l’association Moacosi de lutte contre l’exclusion sociale au Sénégal.
Son propos a fait réagir le président d’Europa Nova, Denis Simonneau, qui a préconisé la facilitation de l’accès des ONG africaines aux financements européens.
Dans un discours inaugural, l’ancien diplomate a plaidé plus globalement pour la refonte des relations euro-africaines, encore très inspirées par des traités commerciaux existants depuis longtemps (Rome 1957, Yaoundé 1963, Lomé 1975 et plus récemment Cotonou) qui ne sont plus adaptés aux besoins de l’Afrique en matière de développement
Selon lui, la mise en place d’un nouveau cadre de coopération bilatérale doit prendre en charge des questions fondamentales comme le développement durable et l’environnement, la santé, la transformation digitale, la paix et la sécurité ainsi que l’éducation, la formation et la culture.
« L’Afrique connait aujourd’hui une croissance variable. Elle se distingue aussi par une croissance démographique considérable et pose des questions en matière de sécurité et de migration »,a fait savoir Denis Simonneau, estimant que la solution de toute ces problématiques, doit conduire inéluctablement, au renouvèlement de la relation euro-africaine.
Sa vision est partagée par Jean Louis Guigou. Pour le président de l’IPEMED, « L’Europe s’est très longtemps enfermée dans une relation commerciale avec l’Afrique ». Il reproche aussi au vieux continent de faire prévaloir les aspects sécuritaires, quitte à maintenir au pouvoir « des dictateurs pas très enclins à développer leurs pays ».
« Ce qui me choque aussi est la prédation des matières premières. Une pratique aussi vieille que la colonisation », a par ailleurs souligné l’orateur qui a noté, toutefois un changement de ton dans le discours des instances européennes vis-à-vis de l’Afrique.
Jean Clande Junker, ex président de la commission européenne avait notamment insisté, en 2018, sur la nécessité de « bâtir une alliance d’égal à égal avec l’Afrique ». Sa remplaçante, Ursula Von Der Leyen va sauter la pas, le 27 février prochain, en se rendant avec 20 commissaires, à Addis Abbeba, siège de l’Union Africaine.
Pour Olivier Vallée, analyste senior dans le Groupe d’Études politiques de l’École Normale Supérieure, la relation avec l’Afrique doit être globale et cesser de cibler des sous-ensembles régionaux (CEDEAO, UMEOA…) qui balkanisent le continent.
« Nous sommes dans une relation totalement asymétrique non seulement compte tenu des PIB et puis parce que l’Europe est un bloc sur ses compétences. Ce qui n’est pas le cas de l’Afrique », a renchérit le sénateur Jean-Yves Leconte.
Lui aussi a déploré l’existence d’une coopération privilégiée, avec certains États, principalement motivée par les donne sécuritaire et migratoire. Olivier Gallée a regretté à ce propos, que des pays soient devenus « des supplétifs » dans la lutte contre l’immigration clandestine.
Intervenant au nom de son association Drep.Afrique (lutte contre la drépanocytose), l’ancien sénateur et député européen, Robert Hue estime que la coopération doit plutôt se construire sur des « sujets catalyseurs et fédérateurs », qui engagent l’avenir des deux continents, comme la santé.
Défendant l’action de l’AFD, Philipe Walfard, directeur adjoint de la division santé et protection sociale, a fait savoir que la moitié de l’aide va actuellement en Afrique.
Dans le public, certains ont réagi, estimant que ces fonds versés aux gouvernements, servent dans beaucoup de cas, à enrichir des régimes totalitaires et à encourager la corruption.
Mohamed Zoghlami, consultant international en stratégie, a par exemple regretté que l’Europe soit encore réticente à financer des projets porteurs, comme le digital, qui représente selon lui actuellement 40% de la croissance en Afrique.
Les investissements proviennent surtout des États-Unis et de la Chine, deux pays qui prennent de plus en plus de place sur le continent.
Par Samia Lokmane, correspondante de Ecomnews Med et Afrique à Paris
Sénat AFD – Agence Française de Développement Institut Ipemed
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