L’Ethiopie poursuit le remplissage de son gigantesque barrage sur le Nil, en faisant fi des mises en garde répétées du Soudan et de l’Egypte. Pour ces deux pays, la régulation du débit du Nil qui leur fournit 90% de leur eau, est un sujet de sécurité nationale et doit être impérativement négociée.
Le Soudan se montre de plus en plus inquiet, vis à vis de son voisin ethiopien, qui annonce la seconde phase de remplissage de son méga-barrage sur le Nil Bleu, le Barrage de la Grande Renaissance (GERD.
En effet, « si l’Ethiopie continue à remplir le barrage de la Renaissance en juillet prochain, cela constituera une menace directe pour notre sécurité nationale », a déclaré le ministre soudanais de l’Eau, Yasser Abbas, dans un entretien récemment accordé à l’AFP dans la capitale Khartoum.
Ces propos interviennent alors que les pourparlers, entre le Khartoum (Soudan), Le Caire (Egypte) et Addis Abeba (Ethiopie), sont dans l’impasse depuis bientôt dix ans, autour du remplissage et de l’exploitation de l’immense infrastructure de la Grande Renaissance, lancée par l’Ethiopie en 2011, et qui aura des conséquences indéniables pour ses voisins.
En effet, 85% de l’eau Nil provient d’Ethiopie, aussi le Soudan et l’Égypte sont-ils inquiets quant aux débits futurs et à l’accès à ses eaux dont le barrage pourra retenir 74 milliards de mètres cubes d’eau.
De même, pour le Soudan, si le remplissage permettra de réguler les inondations, il n’en est pas moins vrai qu’il « menacera également la vie de la moitié de la population du centre du Soudan, ainsi que l’eau d’irrigation pour les projets agricoles et la production d’électricité à partir du barrage de Roseires (Soudan) ».
Le Caire et Khartoum veulent donc négocier un accord avec des garanties sur la durée du remplissage, sur la quantité d’eau que l’Éthiopie libérera en aval, une fois que le barrage sera en pleine activité, et sur la gestion des différends à l’avenir.
Les choses n’ont guère avancé, malgré, plus récemment, des pourparlers à trois, en présence d’observateurs de l’Union africaine et de l’Union européenne (en janvier dernier).
Au contraire, l’Ethiopie a annoncé qu’elle allait procéder au remplissage du réservoir du barrage, qu’un accord ait été conclu ou non. Pire encore, ces dernières semaines, les relations entre Addis-Abeba et Khartoum se sont détériorées, en raison des tensions dans la région frontalière d’Al-Fashaqa (une des conséquences indirectes du conflit au Tigré), où les agriculteurs éthiopiens cultivent des terres fertiles revendiquées par le Soudan.
Rappelons que le Nil, plus long fleuve d’Afrique et du monde, est une véritable ligne de vie, qui fournit à la fois l’eau et l’électricité aux dix pays qu’il traverse, notamment l’Egypte (puissance militaire, avec l’une des démographies les plus rapides du continent), l’Ethiopie (deuxième pays le plus peuplé d’Afrique), et le Soudan, où convergent les différents affluents du fleuve (le Nil Blanc et le Nil Bleu), avant de s’écouler vers l’Égypte, pour se jeter dans la Méditerranée.
Le Barrage de la Renaissance, et l’accès à l’eau, est une question géopolitique plus que stratégique pour ces trois pays, et pourrait déboucher, à terme, sur un conflit ouvert, si aucune entente n’est trouvée.
Dernièrement, pour aider à sortir de l’impasse, le Soudan a proposé la médiation des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne et des États-Unis, dont la nouvelle administration annonce son intention d’être plus active en Afrique, notamment sur la prévention des conflits.
Source Agence Ecofin
Réagissez à cet article