Alors que la Maison Blanche rompt avec le désintérêt pour l’Afrique qui a caractérisé les années Trump et s’efforce d’y renforcer son influence, Pékin met son appareil de communication en branle pour tenter d’affirmer sa supériorité sur le continent.
Alors que le secrétaire d’État américain Antony Blinken poursuivait sa deuxième tournée en Afrique depuis sa prise de fonction, la chaîne de télévision publique chinoise CGTN, qui dépend directement du Parti communiste chinois, a publié, le 11 août, un sondage présentant l’empire du milieu comme la locomotive incontestée de l’économie mondiale, surtout aux yeux des Africains.
Ce sondage réalisé par CGTN Think tank et le Chinese Institute of Public Opinion, rattaché à Renmin University of China, assure que 91,46 % des personnes interrogées en Afrique pensent que « la Chine est devenue le moteur de l’économie mondiale ».
Le taux des personnes sondées qui reconnaissant la suprématie de l’économie chinoise face à celles des autres grandes puissances, s’élèverait également à 81,6% en Europe et même à 78,09 % en Amérique du Nord.
Le même sondage précise également que 73,87% des personnes interrogées en Afrique se sont déclarées « impressionnées par les réseaux 5G déployés par Chine », alors que 55,28 % ont fait l’éloge des réseaux ferroviaires à grande vitesse réalisés par des entreprises chinoises.
8% seulement des Africains sondés ont, d’autre part, estimé que la Chine prend leur pays dans le « piège de la dette », en référence aux accusations de certaines ONG et responsables occidentaux selon lesquelles Pékin accorde généreusement des prêts à des pays africains pour exercer des pressions sur eux ou les obliger à céder le contrôle de certains actifs précieux lorsqu’ils ne peuvent plus rembourser.
Un monde multipolaire
Selon le même sondage, l’écrasante majorité des personnes interrogées ont une impression positive du peuple chinois qu’ils considèrent comme « travailleur » et « motivé » (84,42 % des Africains et 71,18 % des Européens).
Par ailleurs, 57,36 % de l’ensemble des personnes interrogées dans 22 pays répartis sur tous les continents, dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Nigeria, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Japon, l’Inde, l’Allemagne et la France, approuvent l’approche chinoise « réaliste et pratique » en matière de droits de l’Homme selon laquelle ces droits « ne doivent pas être séparés des réalités et des étapes de développement de chaque pays ».
Sur un autre plan, environ 13% des sondés pensent qu’à l’avenir le monde sera unipolaire, dominé soit par la Chine (6,99%), soit par les Etats-Unis (6,3%), alors que 17,05 % prévoient un monde bipolaire dominé à la fois par la Chine et les Etats-Unis. 29,48% estiment que le monde sera tripolaire (Chine, Etats-Unis, Union européenne) et 34,55% s’attendent à ce que le monde devienne multipolaire.
La version complète de ce sondage est introuvable sur le site web ou sur les réseaux sociaux de la chaîne de télévision CGTN, de CGTN Think tank ou du Chinese Institute of Public Opinion. On ne dispose donc que très peu de détails sur la méthodologie utilisée.
Les seuls éléments rendus publics concernent l’âge moyen des personnes sondées (38,64 ans en moyenne) ainsi que leurs pays d’origine et leur niveau d’instruction (54,71 % sont des diplômés du supérieur). Aucun détail n’a été fourni sur la taille de l’échantillon ou sa nature (aléatoire, représentatif, stratifié, méthode des quotas etc.), les types de questions (ouvertes, fermées), et le types d’entretien (non directif, directif, semi-directif).
Stratégie de reconquête
Indépendamment de ce manque de précisions sur la méthodologie utilisée, il semble que le but recherché par l’appareil de communication chinois est de diffuser un discours qui renvoie une image de supériorité chinoise et qui minimise celle des Etats-Unis, principal adversaire de Pékin.
La publication du sondage intervient alors que Washington remet le cap sur l’Afrique, comme l’illustre la récente tournée africaine du chef de la diplomatie américaine, qui l’a conduit en Afrique du Sud, en République démocratique du Congo et au Rwanda. Depuis Pretoria, Antony Blinken a déclaré vouloir « un véritable partenariat entre les Etats-Unis et l’Afrique ».
Simultanément, Washington a dévoilé un document d’orientation prévoyant une refonte de sa politique en Afrique subsaharienne « qui renforce le point de vue des États-Unis selon lequel les pays africains sont des acteurs géostratégiques et des partenaires essentiels pour les questions les plus urgentes de notre époque, qu’il s’agisse de promouvoir un système international ouvert et stable, de s’attaquer aux effets du changement climatique, de l’insécurité alimentaire et des pandémies mondiales, ou de façonner notre avenir technologique et économique ».
La tournée d’Antony Blinken sur le continent intervient deux semaines après l’annonce par le président américain, Joe Biden, de l’organisation d’un sommet USA-Afrique en décembre 2022 pour « démontrer l’engagement durable des Etats-Unis envers l’Afrique et souligner l’importance d’une coopération accrue sur des priorités mondiales communes ».
Pour le continent africain, cette rivalité accrue entre les deux plus grandes économies de la planète pourrait être bénéfique, à condition de définir une stratégie plus collective et plus claire pour tirer également profit de la multitude de partenaires internationaux potentiels.
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