Bola Tinubu a juste déclaré qu’il voulait mettre fin à l’existence de deux compartiments sur le marché des changes, mais cette promesse de campagne a des effets immédiats qui rendent compliquée sa réalisation.
Le Nigeria, première économie d’Afrique en termes de produit intérieur brut, est de nouveau plongé dans une crise sur son marché de change de devises. Cette situation survient après que le nouveau président, Bola Tinubu, ait annoncé qu’il prévoyait d’unifier les taux dans le secteur et de mettre fin à l’existence de deux segments, dont l’un officiel organisé par la Banque centrale et l’autre parallèle, mais autorisé et organisé sur la base de l’offre et de la demande.
La situation a été telle que le site internet Aboki.fr, qui sert de référence pour les taux de change entre le naira et les principales devises étrangères, a suspendu ses publications sans donner de raison. Il n’est pas exclu que ses administrateurs aient voulu qu’il y ait plus de clarté sur le marché. La Banque centrale a publié un communiqué pour dire qu’elle n’avait pas dévalué le naira, contrairement à ce qu’un principal média du pays a annoncé.
Même si la dévaluation n’est pas effective, le marché parallèle de change pratique depuis peu des taux qui sont de plus de 60% supérieurs à ceux de la Banque centrale. À l’aéroport d’Abuja, le dollar américain s’échangeait le 24 mai dernier à 750 nairas, contre seulement 460 nairas pour le taux officiel. Sur les marchés monétaires internationaux, les analystes, selon Bloomberg, s’attendent à ce que la monnaie nigériane soit dépréciée au cours des douze prochains mois.
Certains éléments de contexte semblent donner raison à cette hypothèse. Les défis de change du Nigeria ont débuté à la mi-2022, alors même que les prix du baril de pétrole de ce pays (Boni Light) étaient à près de 130 $ le baril. Aujourd’hui, ils sont à seulement 74 $ selon le site de la banque centrale. C’est une baisse de près de 43% sur les revenus que cette matière première génère pour le pays.
D’un autre côté, le pays reste un gros importateur de produits alimentaires, avec un taux de 14% sur le total de la consommation des ménages. Avec les effets climatiques qui sont annoncés, le Nigeria risquerait d’importer davantage pour compenser son déficit de production alimentaire. Au mercredi 31 mai, ses réserves de change liquides étaient de 34 milliards de dollars. On est loin des 64 milliards de dollars de réserves lors de la crise de 2008.
Cette petite crise sur les réserves de change peut avoir des conséquences variées sur les performances des entreprises cotées à la Bourse de Lagos. Pour celles dont l’activité est tournée vers l’exportation et qui consolident leurs résultats financiers en nairas, ou encore les banques qui fournissent des services de change de devises, une hausse des taux est positive pour les affaires et une augmentation des revenus est à prévoir.
Mais pour celles qui importent l’essentiel de leurs intrants, des coûts de transaction de change en hausse plomberont la rentabilité finale.
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