Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, c’est au tour du Tchad d’annoncer la rupture des accords militaires avec l’allié historique français. Paris compte 1000 hommes positionnés sur le territoire tchadien, dont le sort fera certainement l’objet de discussions dans les prochains jours.
Le communiqué est tombé dans la nuit du 28 novembre : le Tchad met un terme à ses accords militaires avec la France. Une annonce teintée de souveraineté, qui marque un tournant historique dans les relations entre Paris et son dernier allié stratégique au Sahel. Pour le Tchad, il s’agit d’un geste symbolique fort. « Après 66 ans d’indépendance, il est temps d’affirmer notre souveraineté pleine et entière », affirme le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, dans un communiqué qui insiste sur la volonté de redéfinir les partenariats stratégiques du pays. Si N’Djamena promet des relations constructives avec la France dans d’autres domaines, le divorce militaire n’en reste pas moins un défi de taille pour Paris.
Cette rupture vient s’ajouter à une série de revers pour la diplomatie française en Afrique de l’Ouest. Après les retraits forcés du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la France perd une position clé dans le Sahel, un espace qu’elle avait traditionnellement dominé sur les plans militaire et diplomatique. Une relation autrefois privilégiée Historiquement, le Tchad était un partenaire incontournable de la France dans la région. Emmanuel Macron, en se rendant aux funérailles d’Idriss Déby Itno en 2021, avait symboliquement validé la transition militaire menée par son fils, Mahamat Idriss Déby. Ce soutien contrastait avec l’attitude de Paris envers les juntes malienne, burkinabè et nigérienne, suscitant des accusations de favoritisme et d’incohérence. Pourtant, cette proximité n’a pas suffi à maintenir la relation intacte. La rupture des accords militaires avec le Tchad est d’autant plus surprenante, qu’elle intervient moins de 24h après la visite dans le pays du ministre des affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot. En octobre dernier, lors d’un sommet de la Francophonie, les deux pays semblaient pourtant prêts à renforcer leur coopération militaire et économique.
Il faut dire que le Tchad reste le dernier bastion de présence militaire française dans le Sahel, avec près de 1000 hommes stationnés dans le pays. Le spectre de l’AES et d’une tendance régionale La décision tchadienne relance les spéculations sur une possible adhésion à l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Bien que N’Djamena n’ait pas officiellement manifesté cette intention, la rupture des accords avec la France pourrait en être un prélude. Le Tchad partage avec ses voisins membres de l’AES des défis communs, notamment la lutte contre le terrorisme et le désir de s’affranchir des influences occidentales. Cette annonce reflète un contexte de rejet croissant de la présence militaire française en Afrique. Quelques heures auparavant, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye appelait à la fermeture des bases françaises dans son pays, au nom de la souveraineté nationale. « Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain », a souligné le chef d’Etat sénégalais. Pour Paris, cette nouvelle défection est un signal d’alarme majeur.
Le Sahel, autrefois l’un des piliers de son influence en Afrique, se dérobe peu à peu sous ses pieds. Bien que de nombreux analystes veulent y voir des manœuvres du rival russe qui poursuit son ancrage dans la région, il semble évident que les raisons de ce rejet du modèle français au Sahel et en Afrique de l’Ouest sont bien plus profondes. Plus qu’un simple désengagement militaire, c’est une remise en question de toute une stratégie diplomatique et sécuritaire qui se joue. Malgré cela, la France saura-t-elle encore trouver sa place dans un Sahel en pleine recomposition ? Rien n’est moins sûr.
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