Après 2 ans d’attente, 70 chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis à Bruxelles pour le 6e sommet UE-UA. Si l’UE veut refonder les relations avec l’Afrique, on peut se demander si du côté africain, une stratégie existe pour profiter des opportunités offertes par les marchés européens.
Ce 17 février s’est donc ouvert le 6e sommet sur la coopération entre l’Union européenne et l’Union africaine (UE-UA) à Bruxelles. Depuis plusieurs jours, cette nouvelle rencontre est présentée comme celle du « new deal » européen pour l’Afrique, avec tout ce qu’elle implique comme investissements potentiels.
Ce sommet était l’occasion pour l’UE de présenter sa nouvelle stratégie d’investissement appelée « Global Gateway ».
Au total, on s’attend à des investissements européens d’une valeur de 150 milliards d’euros sur le continent, d’ici les prochaines années, bien qu’à ce jour, ce financement comme plusieurs autres qui l’ont précédé restent à l’état de promesses. A titre d’exemple, malgré la promesse de plusieurs pays riches, notamment européens, de renoncer à une partie de leurs droits de tirage spéciaux (DTS) en faveur des pays pauvres, on est encore loin des 100 milliards $ annoncés, et qui devaient majoritairement profiter aux pays africains.
L’UE définit le « Global Gateway Africa » comme un programme d’investissement qui vise à « soutenir l’Afrique pour une reprise et une transformation, fortes, inclusives, vertes et numériques ». Mais dans les faits, l’un des principaux objectifs de ce programme est de « reconquérir » un continent qui s’est tourné vers d’autres partenaires, depuis quelques années.
Et d’ailleurs, les dirigeants européens ne s’en cachent pas. Plusieurs d’entre eux ont déjà indiqué être inquiets face à l’expansion de l’influence de la Chine qui est devenue depuis quelques années, le principal partenaire commercial de l’Afrique. A Dakar, le 10 février dernier, Ursula Von Der Leyen avait d’ailleurs souligné que « l’Europe est le partenaire le plus fiable pour l’Afrique, et de loin le plus important ».
En dehors des Européens, plusieurs autres pays, à savoir : les USA, le Royaume-Uni, la Turquie ou la Russie ont affiché leurs intentions de renforcer leurs relations avec l’Afrique, en organisant notamment des sommets Turquie-Afrique, Russie-Afrique ou Royaume-Uni-Afrique, qui ont souvent été l’occasion de signer d’importants accords de financements.
Avec la multiplication des « initiatives » étrangères telles que « Prosper Africa » (USA), « Belt and Road Initiative » (Chine) ou « Global Gateway Africa », le continent est une nouvelle fois le théâtre d’une guerre d’influence entre puissances étrangères, dont les intérêts premiers ne seront pas forcément ceux des pays africains.
Face à cette situation, certaines opinions tendent à penser que le continent noir n’a pas d’autres choix que de subir cette guerre d’influence qui se déroule sur son sol. Or, rien ne pourrait être plus loin de la vérité, comme le démontrent les évolutions qu’a connues le continent ces dernières années.
Bien qu’un important chemin reste à faire, l’Afrique a montré qu’elle est déterminée à réussir à marche forcée son processus de développement. A des croissances économiques records se sont ajoutées des améliorations lentes, mais certaines, de la santé et des conditions de vie des populations ainsi qu’une réduction de la fracture numérique avec les pays du nord à travers les innovations qui foisonnent sur le continent.
D’après le Legatum Institute, la Côte d’Ivoire est par exemple, le pays qui a enregistré la plus forte croissance de sa prospérité au plan mondial, au cours des dix dernières années.
Conscients de leur faible capacité à se développer tout seuls, les pays du continent ont lancé l’année dernière, la Zone de libre-échange économique africaine (ZLECAf) censée créer un marché unique pour faciliter le commerce intra-africain. Avec la jeunesse de sa population ainsi que l’amélioration progressive des offres de formation, il pourrait disposer d’une main-d’œuvre nombreuse et compétente pour les prochaines années.
Avec ces atouts, il semble évident que l’Afrique peut elle aussi développer une stratégie à long terme de « conquête » des marchés étrangers, à condition que cette stratégie soit conçue de façon concertée dans le cadre de l’Union africaine, notamment. En tant que bloc, les pays africains pourraient mieux profiter des opportunités que leur offrent les marchés étrangers, et développer ainsi de véritables partenariats gagnant-gagnant.
Alors que le sommet UE-UA s’ouvre dans un contexte où la crise sanitaire a mis en lumière les failles des chaînes de valeurs mondiales, l’Afrique pourrait bien tirer son épingle d’un jeu dont elle a longtemps été spectatrice. Pour certains experts, cela passera par une renégociation par les chefs d’Etat africains des accords conclus par le passé dans le domaine de l’exploitation des matières premières, et qui, pour l’heure, profitent peu à leurs populations.
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