Créé du temps de l'impérialisme français, le franc CFA a subsisté, même après la décolonisation, afin de garantir une stabilité économique aux états de la zone franc. Mais sa lourde symbolique historique pousse certains décideurs à vouloir s'en émanciper au profit de monnaies alternatives. Entretien avec Loup Viallet : analyste et spécialiste de l'Afrique, auteur du livre « La fin du franc CFA ».
Loup Viallet est spécialiste de l’économie et de la géopolitique de l’Afrique contemporaine. Fondateur en 2017 du blog « Questions africaines », ses analyses ont été publiées dans Les Echos, Le Journal de l’Economie, Le Nouvel Economiste, mais encore Mondafrique, Cameroonvoice et beaucoup d’autres…
Expert des questions africaines, il a été invité à donner des conférences à l’IEP Paris, à l’ESSEC, à l’Ecole Supérieure de Commerce et des Affaires de Côte d’Ivoire et à l’institut de formation Sainte-Marie. Il a travaillé comme conseiller politique au Conseil de Paris, au Parlement européen et au Conseil Régional du Grand-Est.
Son livre « La fin du franc CFA » figure dans les catalogues de 17 bibliothèques universitaires dans le monde, parmi lesquelles, la prestigieuse bibliothèque universitaire d’Harvard et la plus grande bibliothèque économique du monde : la Bibliothèque nationale allemande d’Économie.
Le franc CFA existe depuis 1945, c’est la monnaie de 14 pays en Afrique, de deux unions monétaires : l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest et la CEMAC, la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
« C’était au départ une monnaie coloniale, qui était donc la monnaie du marché impérial français en Afrique » explique Loup Viallet. « Elle a d’abord été reconduite au moment des indépendances par la majorité des chefs d’Etats nouvellement arrivés au pouvoir ».
Le franc CFA, un équivalent africain de l’euro ?
« Depuis 1998, la France est seulement le garant de cette coopération monétaire. C’est le le Conseil de l’Union européenne, qui est la tutelle, en réalité, de cette architecture monétaire. Et les traités permettent une forme d’autonomie aux deux banques centrales qui peuvent dévaluer la monnaie dans les limites, évidemment des traités et qui décide donc de manière autonome de la conduite de leur politique monétaire, à la fois en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. »
« On peut dire que le franc CFA est d’une certaine manière un euro tropical, avec une stabilité monétaire qui est unique. En effet, la stabilité du taux de change de cette monnaie permet de résister à des épisodes d’hyperinflation »
« Lorsqu’il y a un choc pétrolier, le franc CFA ne va pas se déprécier sous le coup de ce contre choc pétrolier donc il va y avoir une forme de sécurité financière. Cette garantie de convertibilité illimitée q entre l’euro et le franc CFA permet aux pays de la zone franc de ceux de se protéger contre la spéculation sur le marché des changes. »
La fin du franc CFA souhaitable ?
« Si vous enlevez le français, qu’est ce qui va rester? D’abord, les monnaies qui remplaceront le franc CFA seront ce qu’on appelle des monnaies matières premières. C’est à dire qu’en fonction du prix international des matières premières, ces monnaies vont descendre ou monter. »
Si vous quittez le franc CFA, vous allez vous retrouver avec une monnaie non convertible qui va dépendre des prix internationaux. Autrement dit, vous allez dollariser, votre monnaie, vous aurez beaucoup moins de marge de manœuvre. Vous n’aurez pas les appuis et l’expertise, vous n’aurez pas de prêteur en dernier ressort comme dans la coopération monétaire avec la France. Vous aurez simplement une monnaie qui va dépendre du dollar. »
Réagissez à cet article