En Côte d’Ivoire, la hausse du niveau de transformation du cacao est une priorité affichée par les autorités depuis une décennie. Dans cette optique, les mesures incitatives se sont multipliées au profit du secteur privé.
En Côte d’Ivoire, les unités industrielles de transformation du cacao profiteront encore du mécanisme du droit unique de sortie (DUS) différencié sur les produits transformés jusqu’en mars 2023. C’est ce qu’a annoncé le gouvernement le mercredi 1er juin au terme du Conseil des ministres.
Cette politique appliquée depuis 2017 après la signature de conventions entre l’Etat et 8 entreprises prévoit un niveau d’imposition en fonction de la nature du produit et du degré de transformation. Il est ainsi appliqué un taux de 14,6 % du prix CAF (Coût, assurance et fret) pour la fève, 13,2 % pour la masse de cacao, 11 % pour le beurre et le tourteau, 9,6 % pour la poudre et 0 % pour le chocolat.
En contrepartie, les unités bénéficiaires doivent augmenter leur volume de fèves transformées localement selon des taux spécifiques. Pour une capacité installée de moins de 50 000 tonnes par exemple, un industriel devrait ainsi augmenter annuellement son volume de fèves transformées de 15 % contre 10 % pour un potentiel compris entre 50 000 et 100 000 tonnes et 7,5 % pour une capacité supérieure à 100 000 tonnes.
D’après les autorités, la reconduction de ces avantages fiscaux pour une année supplémentaire s’explique par leurs effets positifs sur le segment de la transformation de cacao dans le pays. En effet, souligne l’exécutif, « la capacité installée de broyage de fèves de cacao est passée de 700 000 tonnes par an en 2017-2018 à 800 000 tonnes par an à la fin de la campagne 2018-2019, soit une augmentation de 14,3 % ».
Et d’ajouter : « la quantité cumulée de fèves transformées par l’ensemble des entreprises signataires des conventions s’établit à 1 951 144,923 tonnes pour 2 012 443 tonnes attendues au terme de la quatrième année de mise en œuvre, soit un taux de réalisation de 96,95 % ».
Il faut noter que cette décision s’inscrit dans le cadre de l’objectif portant la transformation locale à au moins 50 % des fèves de cacao produites en Côte d’Ivoire, soit environ 1 million de tonnes.
Pour rappel, le DUS est l’une des principales taxes perçues sur les exportations de cacao en Côte d’Ivoire avec le droit d’enregistrement.
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La Côte d’Ivoire doit changer de paradigme, concernant sa stratégie industrielle pour la transformation du cacao.
Le commentaire ci-dessus semble en effet insuffisant et ne traduit pas avec force les défis et les attentes de la filière cacao en Côte d’Ivoire.
Le dispositif fiscal évoqué ou célébré est une stratégie inefficace pour booster la transformation locale.
La preuve, malgré une exonération totale sur le chocolat d’origine Côte d’Ivoire exporté, les résultats demeurent décevants.
L’exonération est une idée qui a beaucoup de limites et qui ne profite qu’au seules filiales des multinationales dont les pays de siège sont par ailleurs en concurrence avec la Côte d’Ivoire pour la transformation des fèves de cacao. Il faut le noter.
Les filles de ces multinationales ont pour objectif principal de «sourcer » la matière 1ere pour les maisons-mères. Les filles ne peuvent pas avoir pour mission de favoriser une délocalisation des usines occidentales et/ou asiatiques vers la Côte d’Ivoire. C’est pas rationnel, vu les réseaux (financiers, industriels et commerciaux …) complexes à réadapter/reconstruire et à rassurer/apaiser, que cela suppose.
Ou encore vu le risque pays élevé qu’une telle décision ferait courir à ces grands groupes, agents économiques rationnels.
L’exonération ne fera donc pas bouger pertinemment les résultats de la transformation. Le Gouvernement ivoirien doit intégrer ce postulat.
Dès lors le dispositif fiscal mis en avant apparaît donc comme une erreur du Gouvernement et une source de profits gratuits en faveur des multinationales. Cette stratégie ruine les finances publiques et appauvrit le planteur exclut des retombées de la transformation inefficace attendue .
Ainsi l’objectif de 50% visé s’avère trop ambitieux, voire utopique. En plus, comme indiqué plus haut, il ne tient pas compte des intérêts et des expériences centenaires acquis par ces multinationales installées en Occident et qui ne peuvent pas délocaliser les usines ainsi que les chaînes logistiques des pays de destination, vers la Côte d’Ivoire pour des raisons évidentes.
Ce, au contraire de ce que sous-entend implicitement l’objectif de 50 % visé.
L’objectif visé apparaît donc inaccessible, sauf à miser sur le solde des récoltes issues de la surproduction du cacao qui perdure depuis 2016-2017, avec pour conséquences, des prix peu rémunérateurs servis à l’économie nationale et surtout aux planteurs.
Or ces dernières récoltes sont pour l’essentiel issues des stocks clandestins des forêts classées.
Il y a donc un gros dilemme avec le risque de réputation à gérer au paravant.
Jean-Baptiste PANY
Sénateur ivoirien & écrivain