Aujourd’hui continent le plus jeune du monde, l’Afrique n’échappera pas au vieillissement de sa population en raison de la baisse régulière de la fécondité et de l’allongement de l’espérance de vie. Face à ce papy-boom, qui se produira à une vitesse plus rapide que celle observée dans les pays développés, la solidarité familiale ne suffira pas pour assurer la prise en charge des personnes âgées.
Alors que la géronto-croissance qui se profile en Afrique pose de nombreux défis à ce continent où les systèmes de retraite peu développés, les Etats sont appelés dès maintenant à formaliser leurs économies et à améliorer la collecte des impôts pour dégager les ressources nécessaires au financement des politiques de protection sociale destinées aux personnes âgées, selon un rapport publié le 26 juin par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs.
Intitulé « L’Afrique doit préparer dès maintenant son papy-boom », ce rapport précise que la forte croissance démographique que connaît le continent s’accompagnera de modifications notables dans la structure par âge de la population africaine durant les prochaines décennies. En 2019, 62 % de la population de l’Afrique subsaharienne avait moins de 25 ans et 70 % moins de 30 ans.
Environ 200 millions d’habitants sur le continent ont entre 15 et 24 ans, et toutes les projections indiquent que cette tendance se poursuivra sur les prochaines années.
Selon l’ONU, la population africaine devrait atteindre 1,5 milliard de personnes d’ici 2025 puis grimper à 2,5 milliards en 2050. Mais l’Afrique devrait aussi connaître une augmentation significative du nombre de personnes âgées dans les prochaines années, sous l’effet combiné de la baisse continue du taux de fécondité et de l’allongement de l’espérance de vie.
Entre 1980 et 2017, le taux de fécondité est passé de 6,6 à 4,5 enfants par femme. Il tourne actuellement autour de 4,3 %, selon l’organisation américaine Population Reference Bureau (PRB). Ce ralentissement palpable de la croissance de la population pourrait s’accélérer durant les prochaines années, en raison notamment l’amélioration progressive des conditions de la femme dans les sociétés africaines, du renforcement de l’usage des méthodes de contraception, de l’amélioration du taux de scolarisation des filles et de la hausse de l’infertilité, qui touche 16,4 % des couples africains.
Des systèmes de retraite peu développés
Dans le même temps, l’amélioration du niveau et de qualité de vie des populations ainsi que l’allongement de l’espérance de vie, ont tendance à entraîner une hausse progressive de la population âgée. Conséquence : les plus de 60 ans — et en particulier les plus de 80 ans — représentent le groupe de population qui croît le plus rapidement sur le continent.
D’après les projections de l’US Census Bureau, le nombre des +60 ans dans la population africaine devrait passer d’environ 74 millions en 2020 à 235 millions de personnes en 2050, soit une croissance de 216 %.
L’Institut national français d’études démographiques (INED) s’attend, quant à lui, à ce que la proportion des 60 ans et plus double dans de nombreux pays africains durant les quarante prochaines années si la fécondité continue de baisser au rythme actuel. Elle s’échelonnerait alors de moins de 5 % (Zambie et Niger) à près de 30 % (Tunisie et Maurice).
Le rapport élaboré par notre confrère Moutiou Adjibi Nourou indique également que la forte géronto-croissance attendue durant les prochaines décennies pose de nombreux défis liés à la prise en charge des vieux de demain sur un continent où les systèmes de retraite sont peu développés. 27,1 % seulement des personnes ayant atteint l’âge de la retraite en Afrique bénéficient en effet d’une pension.
De plus, les systèmes de pensions permettent difficilement de vivre décemment dans de nombreux cas, ce qui oblige un nombre non négligeable des retraités à continuer à exercer des activités tant que leur état de santé l’autorise.
Ces mêmes difficultés qu’affrontent les vieux africains d’aujourd’hui risquent aussi de toucher demain les jeunes qui constituent actuellement la force de travail de l’Afrique. D’autant plus que seulement 13,4 % de la population active du continent sont couverts par un système de pension. En d’autres termes, une fois à la retraite 86,6 % de la population active actuelle ne pourra pas compter sur une pension.
Le vieillissement de la population, nouveau levier de croissance
Bien qu’elle soit une tradition bien ancrée au nord comme au sud du Sahara, la solidarité familiale ne suffira pas à assurer la prise en charge des personnes âgées. D’où le besoin pressant d’accélérer les réformes destinées à mettre en place un écosystème favorable à l’autonomisation économique et financière des personnes du troisième âge.
Le rapport souligne d’autre part que la situation peu enviable des systèmes de retraite en Afrique s’explique essentiellement par la prédominance du secteur informel dans les économies africaines. D’après le Fonds monétaire international (FMI), la contribution du secteur informel aux produits intérieurs bruts (PIB) des pays d’Afrique subsaharienne varie entre 25 % et 65 %.
De plus, près de 86 % des emplois en Afrique sont informels. Il est dès lors difficile pour les systèmes de retraite du continent d’intégrer une large partie de la population.
L’une des réformes majeures qui restent à engager activement consiste à créer les conditions nécessaires pour attirer plus de personnes vers le secteur formel, et progressivement pousser les principaux acteurs de l’économie informelle à formaliser leurs activités.
La deuxième réforme phare concerne l’amélioration de la mobilisation des recettes fiscales par l’Etat, en vue de favoriser le déploiement des systèmes de protection sociale, ainsi que des systèmes de retraite capables de couvrir l’ensemble de la population active.
Cela passe non seulement par la réduction du poids du secteur informel dans les économies africaines, mais aussi par la lutte contre la fraude fiscale avec une meilleure administration des revenus, des contrôles et des sanctions.
Le rapport indique par ailleurs que le vieillissement de la population africaine pourrait constituer un nouveau levier de croissance pour les pays du continent, notamment dans les domaines de la santé, du tourisme, des technologies, du commerce de détail, des services financiers et des services ménagers.
Cela est d’autant plus vrai que l’augmentation du nombre de personnes âgées peut donner naissance à de nouveaux marchés et à de nouvelles activités spécifiques à leurs besoins. Les exemples ne manquent pas dans ce cadre. Le vieillissement de la population au Japon a entraîné un véritable essor dans le secteur de la robotique, grâce à la conception de robots destinés à aider les personnes du troisième âge dans leur quotidien, alors que des maisons de retraite et de nouveaux types de divertissements ciblent particulièrement les séniors en Europe et dans d’autres pays développés.
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