Des chiffres croissants qui donnent de plus en plus de poids à la perspective d’une entrée des cryptodevises à la banque centrale. Cela impliquerait une régularisation complète et une régulation poussée des activités de ce segment financier.
D’après une étude du ministère camerounais des Finances sur le développement de la cryptomonnaie et des activités relevant du système de Ponzi dans le pays, le Cameroun compte à ce jour près de 900 000 utilisateurs de cryptomonnaies, soit 6,76% de la population active. Cela le place au 11ème rang africain des utilisateurs de cryptodevises, classement dominé par le Nigeria (22,33 millions d’utilisateurs).
« Ce nombre s’est fortement accru depuis la crise de la Covid-19, car l’utilisation de cette monnaie ne nécessite pas de déplacement », précise Éric Pokem, sous-directeur des changes et des transferts à la Direction de la coopération financière et monétaire du ministère.
L’étude, dont la périodicité n’est pas précisée, a été menée au moment où plusieurs entreprises supposées exercer dans la cryptomonnaie (monnaie numérique émise de pair-à-pair sans nécessiter de banque centrale, utilisable au moyen d’un réseau informatique décentralisé) ont fait faillite après avoir arnaqué leurs clients. Il s’agit entre autres de Mida, Mekit Invest, Chymal, Liyeplimal.
Ces entreprises sont accusées de mettre parallèlement en place un système de Ponzi, montage financier frauduleux consistant à rémunérer les souscripteurs non pas par le fruit des investissements ou des placements, mais par les fonds procurés par les nouveaux clients.
L’enquête de terrain a porté sur 18 entreprises offrant « les services de cryptomonnaie » et sur 1 872 agents économiques effectuant les placements dans ce domaine. Il en ressort que leurs activités concernent globalement les conseils en investissement sur les marchés financiers, l’achat/vente en ligne et la gestion des portefeuilles de cryptoactifs. Les investissements dans la cryptomonnaie proprement dite concernaient uniquement Global Investment Trading (GIT), détenteur de Liyeplimal, dont les adhérents étaient estimés à 90 000 pour cette activité en 2021.
De manière générale, relaie Investir au Cameroun, les investisseurs ont des revenus moyens ou bas, seulement 4,9% de la population ayant un revenu mensuel supérieur à 500 000 FCFA. La moyenne d’investissement d’un client dans la cryptomonnaie est de 1 600 $, soit environ 800 000 FCFA, tandis que la moyenne des dépenses de rémunération d’un client est de 300 $ par semaine, environ 150 000 FCFA.
L’enquête relève aussi que les usagers accordent très peu d’intérêt à l’encadrement juridique de ces activités, et qu’un peu plus de 57% estiment avoir connaissance des risques encourus (arnaque, vol, faillite, etc.).
Dans le nouveau règlement régissant le marché financier commun aux pays de la sous-région (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad), en vigueur depuis début août 2022, les termes d’« actifs numériques » et de « jetons numériques » sont apparues. Mais ce cadre réglementaire élaboré par la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale reste insuffisant.
L’étude recommande donc de saisir la COSUMAF à l’effet de clarifier ces termes et d’accélérer la finalisation du statut des Prestataires des services numériques (PSAN) en concertation avec les autres régulateurs de la CEMAC.
Pour réguler la cryptomonnaie dans la sous-région, il est aussi proposé d’identifier parmi les entreprises exerçant dans la cryptomonnaie, celles qui utilisent aussi le système Ponzi et de les fermer immédiatement, de mettre en place une plateforme multisectorielle (MINFI, BEAC, COSUMAF, ANTIC, MINPOSTEL) de veille sur les activités de la cryptomonnaie, et d’étudier la possibilité de l’introduction dans la zone CEMAC d’une monnaie numérique de banque centrale.
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