Alors que le stockage d’électricité se présente comme levier pour sécuriser les réseaux et valoriser les énergies renouvelables, plusieurs pays africains commencent à explorer des solutions à grande échelle. Une dynamique encore fragmentée, dans un contexte mondial de baisse des coûts.
Depuis 2010, les coûts des systèmes de stockage par batteries à l’échelle du réseau (BESS) ont chuté de 93%, passant de 2571 USD/kWh à 165 USD/kWh en 2024, selon le rapport « Renewable Power Generation Costs in 2024 » de l’IRENA, publié en juillet 2025. Cette baisse spectaculaire s’explique par l’essor industriel mondial, notamment en Chine qui concentre près de la moitié des ajouts de capacité en 2024, et où les prix sont 40% plus bas que la moyenne planétaire.
Résultat, les unités solaires couplées au stockage deviennent compétitives, flexibles, et s’imposent désormais comme norme dans les projets d’énergies renouvelables. L’Afrique commence à emboîter le pas, mais de manière inégale. En Afrique du Sud, le projet Red Sands (153 MW/612 MWh) porté par Globeleq et African Rainbow Energy est le plus grand BESS autonome du continent à atteindre le bouclage financier.
Il alimentera directement le réseau national et bénéficie d’un contrat de fourniture de 15 ans avec la NTCSA. En parallèle, Scatec développe le projet Haru BESS (123 MW/492 MWh) dans le cadre du programme BESIPPPP, reflet d’une volonté institutionnelle claire d’intégrer le stockage dans la planification énergétique.
L’Égypte, de son côté, multiplie les initiatives. AMEA Power a mis en service en juillet 2025 le premier BESS raccordé au réseau (300 MWh) couplé à une centrale solaire de 500 MW. Plusieurs autres projets structurants sont en cours, notamment à Nagaa Hammadi (1,1 GW solaire + 200 MWh de stockage) et à Benban et Zafarana (1500 MWh prévus), avec des financements mobilisés auprès de la BAD, de la BII et de la BERD. Cette montée en puissance répond à une double nécessité de renforcer la stabilité du réseau en période de pointe et de maximiser l’exploitation des renouvelables.
En Afrique de l’Ouest, la dynamique reste timide, mais elle émerge. AXIAN Energy construit à Kolda au Sénégal une centrale solaire de 60 MW avec 72 MWh de stockage. Gutami Holding prévoit une installation de 150 MWp avec 50 MW de batteries au Burkina Faso, et AMEA Power a déjà déployé du solaire avec stockage au Togo. De nouveaux projets sont également à l’étude en Côte d’Ivoire, où les appels d’offres intègrent désormais des exigences de stockage.
Cette évolution africaine se heurte toutefois à un obstacle majeur, à savoir l’absence d’écosystèmes industriels locaux. Contrairement à la Chine qui domine grâce à la production massive de batteries LFP, la plupart des projets africains restent dépendants des importations, exposés à la volatilité des prix et aux délais logistiques. Or, avec 67% des capacités mondiales de BESS désormais dédiées à l’Energy shifting (stocker l’électricité solaire ou éolienne pour la restituer aux heures de pointe), le stockage devient une composante essentielle de tout mix électrique à base d’énergies renouvelables.
Si l’Afrique veut éviter une nouvelle dépendance structurelle, il lui faudra aller au-delà du déploiement de projets et intégrer le stockage dans les cadres réglementaires, attirer des acteurs industriels, mutualiser les investissements régionaux, et former une main-d’œuvre qualifiée. Des pays comme le Maroc ont déjà amorcé cette étape stratégique.
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