La perception de S&P Global Ratings pour le Cameroun reste assez stable. On peut en retenir deux informations majeures : une croissance soutenue sur les 3 prochaines années, mais a contrario, quelques risques persistants qui invitent les investisseurs à la prudence.
S&P Global Ratings dans sa plus récente notation sur le Cameroun qui date du 8 octobre 2021, a estimé que le Cameroun est sur la bonne voie en termes de croissance économique. « Les perspectives économiques post pandémie semblent solides : la production de gaz naturel et les nouveaux projets miniers devraient soutenir les industries extractives.
Dans le même temps, les services devraient continuer d’être un facteur de croissance important, dans le sillage du développement des technologies de l’information et de la communication et des services financiers » note l’agence de notation américaine.
Le Produit Intérieur Brut nominal, un indicateur qui mesure la production de valeur ajoutée sans tenir compte de la hausse des prix sur le marché (inflation), est espéré en 2024 à 56 milliards $. Cela représente 36,5% de plus que celui de 2020 (41 milliards $).
Dans cette logique, le PIB moyen par habitant, en 2024, devrait dépasser les 1900 $, contre 1500 $ en 2020. En théorie, cela signifie, que l’ensemble des Camerounais devrait connaître une croissance moyenne de revenu de 400 $ d’ici 2024.
Le Cameroun devrait aussi profiter d’une meilleure gestion des finances publiques, surtout dans le cadre de la mise en œuvre des réformes qu’impose le nouveau programme triennal avec le Fonds Monétaire International. Dans ses projections budgétaires à moyen terme, il est prévu que soit dépensés chaque année 1400 milliards de francs CFA de ressources en investissement public jusqu’en 2024, auxquels s’ajoutent les 140 milliards de FCFA annuels prévus pour le plan spécial de relance post-covid.
La bonne exécution du budget sera soutenue par la reconfiguration faite de sa dette extérieure. En finançant 80% de son Eurobond initial avec un nouvel emprunt, le Cameroun fait passer le total des intérêts à payer sur sa dette extérieure, de 3% du PIB à seulement 1%, sur la période 2023 à 2025.
Ce levier, lui permettra de réduire son déficit budgétaire, et de se donner les moyens de recourir plus facilement au marché de la dette pour le financement de nouveaux projets. Ces bonnes perspectives masquent toutefois quelques fragilités, qui devraient guider les prises de décision des investisseurs.
Déjà les exportations du Cameroun reposent encore sur 5 principales matières premières, dont le gaz et le pétrole qui représentent 50% des revenus en devises. Une conjoncture défavorable sur les prix de ces deux matières, serait de nature à bousculer l’équilibre budgétaire du pays. Aussi, avec une croissance tirée par les services, la possibilité d’atteindre une amélioration vraiment inclusive est assez faible.
Les services au Cameroun reposent encore sur un portefeuille d’entreprises étrangères, ou des produits importés, qui ne permettent pas une redistribution des gains au sein d’une chaîne de valeur locale plus large, mais profitent aux pays où sont fabriqués où conçus les biens et services proposés sur le marché local.
Dans le même sillage, la fiscalité continuera d’aider à la mobilisation des ressources en valeur absolue, mais relativement au PIB, on ne dépassera pas les 15% du PIB, contre une moyenne de 18% pour les pays d’Afrique subsaharienne, selon le FMI.
Le défi majeur au Cameroun demeure l’incertitude politique et les crises sécuritaires. Le pays a parachevé la mise en place des institutions de transmission du pouvoir avec l’existence d’un Sénat, d’une cour constitutionnelle et des conseils régionaux. Mais les divergences entre les groupes sociaux, tant sur le plan culturel que professionnel (notamment secteurs public et privé), constituent un risque permanent de tensions sociales si l’ordre institutionnel actuellement maintenu, venait à se rompre.
Sur le plan sécuritaire, la crise dite anglophone dans les régions nord-ouest et sud-ouest du pays, ainsi que celle de Boko Haram dans l’extrême nord, sont à l’origine d’importantes dépenses sécuritaires, qui auraient pu être affectées au profit du développement économique et social.
Bien qu’elle soit toujours déficitaire, le gouvernement a soutenu la Cameroon Development Corporation (CDC), qui est le plus important employeur au Cameroun après l’Etat. L’entreprise prévoit d’ailleurs de relancer l’ensemble de ses activités. Le secteur privé enfin, continue de se relever d’une pandémie de Covid-19, pour laquelle il a reçu un soutien marginal du gouvernement.
Il doit continuer de prendre des risques dans la zone en crise Nord-Ouest/Sud-ouest, et faire en même temps face à une fiscalité rigide, alors que le gouvernement continue avec des dépenses fiscales onéreuses (plus de 400 milliards de FCFA en 2019), qui se sont avérées pourtant inefficaces, selon la direction générale des impôts.
Ainsi, la bonne nouvelle pour le Cameroun, c’est que ces projections restent stables sur le court terme. Mais d’un autre côté, le Cameroun continuera d’être perçu par les analystes internationaux, comme étant un pays spéculatif, avec un niveau de revenus qui restera assez faible, et des difficultés à mettre en place un système économique avec une production plus dynamique, et surtout plus inclusive.
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