Vanesse Labeyrie vient d’obtenir une bourse de 1,5 millions d’euros du Conseil européen de la recherche (ERC) pour financer une étude sur 3000 exploitations agricoles en zones semi-arides (Maroc, Sénégal, Madagascar) sur la circulation des semences et ses conséquences pour la résilience des exploitations. Son objectif : mieux comprendre comment les paysans accèdent à la diversité cultivée qui leur est nécessaire pour faire face aux perturbations, notamment climatiques.
La jeune chercheuse du Cirad fait partie des 53 scientifiques français récompensés sur près de 400 en Europe. Moins de 10 % des candidats ont été retenus.
« La diversité des cultures est une ressource clé pour les paysans des zones semi-arides, car elle joue un rôle majeur dans leur résilience face à la variabilité climatique », explique Vanesse Labeyrie, agronome et ethnoécologue au Cirad. Bien que l’accès à la diversité des cultures soit essentiel pour ces paysans, les processus déterminant cet accès sont peu connus. « Plusieurs travaux indiquent que l’accès à la diversité des cultures peut dépendre des réseaux sociaux à travers lesquels les semences et les informations qui y sont associées circulent au sein des sociétés rurales, et qui impliquent une diversité d’acteurs : principalement les paysans, mais aussi des organismes de développement rural et des acteurs économiques divers », poursuit-elle.
Ces réseaux présentent une grande diversité de modèles, aussi bien dans la composition des acteurs impliqués que dans la structure de leurs interactions, via la circulation d’informations et de semences. « La recherche dans le domaine de la sociologie des réseaux sociaux indique que la structure de ces réseaux a un rôle fondamental dans la circulation des ressources de toutes sortes. Au niveau individuel, la position des individus dans un réseau donné détermine souvent son accès aux ressources. Ce projet fait l’hypothèse que les caractéristiques des réseaux de circulation de semences et de connaissances déterminent l’accès des paysans à la diversité cultivée, et ont donc un impact sur leur capacité à faire face aux aléas ».
A travers le projet « Access to crop diversity and small farms’ resilience to climate variability in African drylands » (ARISER) financé par l’ERC (catégorie d’appel d’offre : Starting Grant) pour 5 ans, Vanesse Labeyrie cherchera à identifier les caractéristiques de réseaux qui permettent de maintenir une grande diversité de cultures dans les exploitations au fil du temps. Elle évaluera la relation entre les caractéristiques des réseaux et la stabilité de la production agricole au niveau de l’exploitation, ainsi que la façon dont les caractéristiques socio-économiques des agriculteurs affectent leur accès à des semences et à des informations diversifiées.
Pour ce faire, la scientifique mènera une étude sur 3000 exploitations agricoles dans des zones semi-arides au Maroc, au Sénégal, et à Madagascar, où les paysans cultivent principalement des céréales et légumineuses au sein de systèmes pluviaux. Elle travaillera pour cela en collaboration avec des chercheuses dans ces pays : Dr Ndeye Fatou Faye Mané de l’ISRA au Sénégal, Dr Verohanitra Rafidison de l’Université d’Antananarivo à Madagascar, et Dr Salama el Fatehi de la Faculté Polydisciplinaire de Larache au Maroc. Ce projet est aussi l’occasion de promouvoir les femmes dans la recherche avec et pour les pays du Sud.
Ces travaux précurseurs contribueront à améliorer la prise de décision pour l’adaptation des petits agriculteurs aux changements climatiques dans ces zones. Ils permettront notamment d’éclairer le débat sur l’accès au semences. « Le monde du développement agricole est abreuvé du mythe que les paysans n’ont pas les bonnes semences. La réalité de terrain est beaucoup plus complexe ».
Les bourses du Conseil européen de la recherche (ERC)
Le Conseil européen de la recherche (ERC) finance les recherches exploratoires visant à repousser les frontières des connaissances pour aboutir à des innovations de rupture. Il propose pour cela des bourses individuelles destinées soit à accompagner les jeunes chercheurs (starting et consolidator grant), soit à soutenir les chercheurs confirmés (advanced grant), ou encore à valoriser des résultats déjà récompensés (proof of concept), en les faisant passer de la preuve de concept à la commercialisation par exemple (Voir un exemple du Cirad sur les drones pour le lâcher de moustiques mâles stériles).
C’est la 1e bourse ERC Starting Grant obtenu au Cirad ; une autre bourse à l’appel Consolidator Grant avait été obtenue par Jérémy Bouyer en 2015 pour développer la technique de l’insecte stérile boostée. Les résultats obtenus aujourd’hui à La Réunion sont prometteurs.
Source CIRAD
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