Le Nigeria est depuis plusieurs décennies, le pays le plus affecté à l’échelle mondiale par le phénomène du vol de pétrole brut et l’économie parallèle qu’il implique. Malgré la mise en place de nombreuses politiques publiques pour l’enrayer, il persiste.
3,5 milliards de dollars. C’est le montant des pertes totales enregistrées par le secteur pétrolier nigérian en 2021, dans les circuits de vol et de contrebande de pétrole. Cette information provient d’un rapport de plusieurs agences gouvernementales de régulation du secteur, auquel Leadership News a eu accès.
Ce montant représente près de 10 % des réserves extérieures du pays actuellement. C’est néanmoins une perte inférieure à la perte moyenne enregistrée ces dernières années. En 2019, la Charte des ressources naturelles du Nigeria (NNRC) a indiqué que le pays a perdu en moyenne 10 milliards de dollars par an depuis 2009, à cause de ce phénomène.
Il faut savoir que le vol de brut est un problème endémique au Nigeria. Un rapport récent indiquait également que le Nigeria avait perdu près de 200 millions de barils de brut au cours des 11 premiers mois de l’année 2021.
La pratique y est par ailleurs facilitée par plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, on peut pointer du doigt la vétusté des infrastructures pétrolières, dont certaines sont en activité depuis la fin des années 50. Des infrastructures vieillissantes, comme les oléoducs, permettent aux voleurs d’accéder plus facilement au brut, notamment en siphonnant le combustible. D’ailleurs, cela entraîne souvent des déversements dans la région du delta du Niger où plus de 70 % de la production nationale de pétrole est extraite.
Une autre cause de la récurrence du vol de pétrole est le sous-investissement général dans le secteur pétrolier, dans un contexte mondial de transition vers des énergies faibles en carbone. En effet, la persistance du vol et les pertes ont poussé les grandes compagnies pétrolières multinationales comme Shell, ExxonMobil, Chevron et Total, à transférer certaines de leurs opérations vers des marchés plus fiables, dotés de meilleures pratiques de contrôle et de surveillance.
Exxon Mobil par exemple, envisage de céder ses actifs en onshore dans le delta du Niger. Des négociations sont actuellement en cours avec l’entreprise locale Seplat.
Ces dernières années, les infrastructures appartenant à Shell ont été au cœur des nombreux scandales de marées noires et de siphonnage de pétrole brut. La société fait aussi face à plusieurs procès pour déversements illégaux d’huile dans les cours d’eau et terres arables de la région.
Il faut savoir qu’une fois le pétrole siphonné depuis les conduits, il est transféré sur des sites de raffinage artisanal, avant que les produits pétroliers qui en ressortent ne soient revendus sur le marché noir de certains pays voisins comme le Bénin ou encore le Cameroun.
Face à la situation alarmante du vol de pétrole, le gouvernement nigérian a mis en place en septembre 2021, un comité chargé de saisir le pétrole brut et les produits pétroliers. Une réforme qui, finalement, s’est avérée stérile, car elle n’a pas empêché le pays d’enregistrer des pertes considérables pendant le reste de l’année.
Pour les experts ce faible résultat s’explique par le fait que peu d’investissements ont été réalisés pour enrayer la tendance. Selon eux, il n’y a pas eu de volonté politique de financer des technologies qui pourraient surveiller les oléoducs et les gazoducs à travers le pays et permettre d’identifier les actes de sabotages ou les interférences humaines.
Réagissez à cet article