Ethiopian airline
#Aeroports #Avions #Transport #Afrique
tristangorgeret
10 juin 2025 Dernière mise à jour le Mardi 10 Juin 2025 à 09:43

Le ciel africain n’est pas encore totalement dégagé. Mais après des années de turbulences, les compagnies du continent semblent avoir trouvé une altitude de croisière… à consolider. Car les défis sont nombreux.

Les compagnies aériennes africaines ont franchi un cap symbolique en 2024 : pour la première fois depuis la covid-19, elles ont dégagé un bénéfice net de 200 millions de dollars. Ce montant reste modeste à l’échelle mondiale, mais marque un progrès pour un secteur longtemps en difficulté sur le continent.

Le chiffre, issu du rapport annuel 2025 de l’Association internationale du transport aérien (IATA), place l’Afrique au bas du classement mondial en matière de performance financière. Seule l’Amérique latine affiche une performance comparable, avec 1,3 milliard de dollars de bénéfices. Les compagnies nord-américaines ont engrangé 11,5 milliards de dollars de profits en 2024, et celles d’Europe, 9,6 milliards. Le Moyen-Orient, quant à lui, continue de monter en puissance avec 6,1 milliards, avec la marge bénéficiaire nette la plus élevée au monde : 8,9%.

AVION

A l’échelle mondiale, le secteur aérien a enregistré en 2024 un bénéfice net de 32,4 milliards de dollars, soit une marge nette de 3,4%. Pour 2025, l’IATA anticipe une progression modérée à 36 milliards de dollars, ce qui porterait la marge à 3,7%. Des chiffres qui, bien que modestes au regard des revenus globaux de l’industrie, montrent un retour à l’équilibre après les années noires de la pandémie. En comparaison, l’Afrique représente à peine 0,6% du bénéfice net mondial prévu pour 2024.

Une autre donnée révélatrice de ce gap : les compagnies africaines ne dégagent qu’un peu plus d’un dollar de bénéfice par passager transporté, contre plus de 27 dollars au Moyen-Orient et une moyenne mondiale de 7,2 dollars. Une illustration des écarts de rentabilité entre les régions.

Mais si l’Afrique part de loin, elle avance à pas sûrs. « Les compagnies africaines ont contribué de manière modeste au résultat net de l’industrie, mais leur performance s’améliore de façon régulière », souligne le rapport. L’IATA entrevoit même une dynamique de croissance durable dans la région, à condition que certaines faiblesses structurelles soient progressivement levées.

Parmi ces défis, le taux d’occupation des sièges ou passenger load factor (PLF) reste l’un des plus faibles du monde : 75% en 2024. Ce chiffre, pourtant en nette progression depuis une décennie (67,4% en 2014), reflète encore un sous-remplissage des avions, souvent lié à une fragmentation des routes, une concurrence asymétrique et des stratégies commerciales peu unifiées, indiquent les rédacteurs du rapport. 

Parallèlement, les compagnies africaines doivent composer avec des coûts d’exploitation élevés, exacerbés par la vétusté des flottes et la dépendance à la location d’appareils à l’international. L’âge moyen des avions dans le monde atteint 14,8 ans, un record, et la situation est souvent plus critique dans plusieurs Etats africains, ce qui entraîne des frais de maintenance supérieurs à la moyenne. Selon l’organisation qui regroupe 80% des compagnies aériennes dans le monde, « exploiter une compagnie aérienne en Afrique coûte tout simplement plus cher ».

Le carburant y est en moyenne 17% plus cher qu’ailleurs dans le monde, les taxes et redevances atteignent jusqu’à 15% de surcoût, les frais de navigation aérienne excèdent de 10% la norme mondiale, tandis que la maintenance, l’assurance et le financement pèsent 6 à 10 % de plus que sur d’autres marchés. Résultat : un modèle économique sous tension, où les prix des billets s’envolent, grevant l’accessibilité du transport aérien pour les passagers. 

Malgré tout, des signaux positifs se font voir. La croissance du trafic passagers, estimée à +7,2% sur l’année, puis plus de 9% sur les 4 premiers mois de l’année 2025, reste solide. Et plusieurs projets d’infrastructures — au Maroc, au Sénégal, en Egypte ou encore en Afrique de l’Est — montrent que les Etats misent de plus en plus sur l’aérien comme levier de développement économique et d’intégration régionale. Et les perspectives semblent tout aussi prometteuses. Selon les projections de l’IATA, le nombre de passagers africains pourrait atteindre 345 millions d’ici 2043, contre environ 160 millions aujourd’hui, soit une croissance annuelle moyenne de 3,7 %. 

Pour maintenir cette trajectoire, l’IATA plaide pour une amélioration du climat réglementaire, une meilleure coopération entre les Etats africains et des politiques plus favorables à l’investissement. « L’Afrique ne peut pas rester en marge de la nouvelle dynamique mondiale du transport aérien », avertit l’organisation, qui insiste sur la nécessité de ne laisser « aucun pays à la traîne », notamment dans les débats sur la durabilité et les carburants alternatifs. Sur ce dernier palier, le continent reste peu présent dans la production et l’utilisation de carburants d’aviation durables (SAF), encore concentrés dans les pays du Nord, rappelle Marie Owens Thomsen, économiste en chef et premier vice-président chargé du développement durable à l’IATA. 

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