Souvent présentée comme une réponse à la crise climatique, la transition énergétique porte pour l’Afrique bien d’autres enjeux. Elle constitue une réponse à des défis structurels : dépendance aux importations, insécurité énergétique, accès limité à l’électricité, emploi, pression sur les finances publiques. Le rapport « Seizing the moment of opportunity » des Nations unies publié en juillet 2025 en fournit une démonstration rigoureuse. À condition d’être saisie, cette opportunité peut transformer en profondeur les économies africaines.
Renforcer la souveraineté énergétique
Selon l’AIE, l’Afrique dépend toujours massivement des énergies fossiles pour sa production électrique. En 2022, 42% de sa génération d’électricité provenait du gaz, 26% du charbon et 7,2% du pétrole. Cette dépendance s’accompagne d’un fardeau structurel. Toujours en 2022, 60% de la consommation africaine finale de produits pétroliers reposaient sur des importations. Ce déséquilibre expose les pays aux chocs géopolitiques et à la volatilité des prix.
À l’inverse, les énergies renouvelables, principalement le solaire, offrent une alternative locale, durable et stratégique. Le continent détient en effet 45% du potentiel technique mondial sur ce segment.
Alléger la facture des États et des ménages
L’idée reçue selon laquelle les énergies propres seraient plus coûteuses est contredite par les faits. Le rapport de l’ONU rappelle que le renouvelable est désormais l’option la moins chère pour produire de l’électricité neuve, même sans tenir compte des prix records atteints par le gaz et le pétrole en 2022. L’IRENA estime que depuis 2000, les économies cumulées permises par le renouvelable sur la facture électrique mondiale s’élèvent à 409 milliards USD, dont 11 milliards en Afrique.
Le dernier rapport de l’institution sur les coûts de production d’électricité renouvelable publié en juillet 2025, confirme cette tendance : en 2024, les projets solaires photovoltaïques étaient en moyenne 41% moins chers que les alternatives fossiles les plus compétitives, et l’éolien terrestre 53% moins cher. Une dynamique qui s’explique par l’innovation technologique, la structuration des chaînes d’approvisionnement et les économies d’échelle. Sur l’ensemble des 582 gigawatts de capacité renouvelable ajoutés en 2024, 91% étaient plus rentables que toute centrale fossile neuve.
Accélérer l’accès à l’énergie
Fin 2023, près de 565 millions de personnes vivaient encore sans électricité en Afrique subsaharienne — soit 85% du déficit mondial. Le déploiement massif des mini-réseaux et unités solaires individuelles est présenté comme la solution la plus rapide et la plus économique pour combler cet écart, notamment dans les zones rurales.
En 2022, 2,5 millions de ménages dans le monde ont accédé à l’électricité via des unités solaires domestiques, et près de 490 millions de personnes bénéficiaient de solutions hors réseau. En Afrique, l’enjeu est d’autant plus vital que l’accès à l’énergie hors réseau conditionne parfois l’éducation, la santé, la sécurité et le développement économique local.
Bâtir des systèmes électriques plus résilients
Les réseaux africains sont vulnérables, tant à l’obsolescence qu’aux aléas climatiques, en particulier en Afrique subsaharienne. Or, le renouvelable décentralisé — comme les micro-réseaux solaires avec stockage — renforce naturellement la résilience, car fonctionnant localement, sans dépendance aux chaînes d’approvisionnement de combustibles. Dans un contexte de dérèglement climatique, cette robustesse devient un atout stratégique.
Créer de l’emploi et dynamiser l’économie
Selon l’IRENA, l’Afrique comptait 324 000 emplois dans les énergies renouvelables en 2023, sur 16,2 millions au niveau mondial. À l’horizon 2030, le continent pourrait en générer 1,7 million, dont 30% nécessitant une formation technique.
Mais les retombées économiques vont au-delà : selon le scénario à 1,5 °C de l’IRENA, le PIB de plusieurs régions africaines pourrait croître de 5 à 15% d’ici 2050 grâce à une transition bien conduite. Ces bénéfices supposent toutefois une stratégie industrielle active, une formation adaptée, et aussi une meilleure inclusion des femmes.
Améliorer la santé et la qualité de vie
Enfin, l’abandon progressif des combustibles polluants pour la cuisson (bois, charbon, kérosène, etc.) est crucial. L’OMS estime que 3,2 millions de décès prématurés sont liés chaque année à la pollution de l’air domestique. Des initiatives émergent sur le continent et visent à remplacer le bois par des solutions plus propres. Cela réduit les émissions, améliore la santé, protège les forêts et renforce l’autonomie des femmes, souvent les premières exposées à ces risques.
Un impératif de développement aussi important que l’urgence climatique
L’Afrique n’attire que 3% des investissements énergétiques à l’échelle mondiale, selon la Commission européenne. Ce déséquilibre ne reflète pas un manque de potentiel, mais une sous-estimation des bénéfices structurels de la transition. Tant que le continent restera dépendant des importations fossiles, il restera vulnérable aux crises extérieures, aux pressions budgétaires et aux inégalités d’accès à l’énergie.
Adopter massivement le renouvelable, c’est réduire ces vulnérabilités, renforcer la souveraineté énergétique, créer de l’emploi local, améliorer la santé publique et accélérer l’inclusion économique. Dans ce sens, la transition énergétique doit être perçue comme une réponse concrète aux urgences économiques et sociales de l’Afrique.
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