Cette IIIe Conférence des Ambassadeurs africains de Paris, mercredi 18 mai, sur le thème « La culture, l’art et les industries créatives, contributeurs du développement de l’Afrique » a mis en lumière le consensus unanime et porteur d’avenir des panélistes : « Les industries créatives sont génératrices de ressources et d’emplois pour tout le Continent ». Et même si la Culture est encore trop souvent le parent pauvre des budgets publics, cette émergence-là aussi est à l’œuvre, notamment grâce à l’engagement des associations et aux initiatives du secteur privé.
Cette réalité encore balbutiante mais riche d’un potentiel immense pour le développement du Continent, c’est le constat dressé d’emblée par Son Excellence Mme Isabel Machik Ruth TSHOMBE, Ambassadrice de la RD Congo en France, invitée d’honneur de cette conférence phygitale qui a réuni 65 personnalités en présentiel et 350 internautes inscrits au direct en ligne.
Mais, pourrait-on ressentir la prégnance de la culture, y compris dans sa composante la plus innovante d’aujourd’hui, sans considérer son enracinement dans les profondeurs de sa propre histoire, celle des peuples qui l’ont portée ? L’ambassadrice de la RDC se plaît ainsi à rappeler que son pays, qui fait cinq fois et demi la taille de la France, est un continent en soi, que « son peuple – fort bientôt de 100 millions d’âmes – fait sa richesse et sa diversité » et que « sa culture va bien au-delà de la RDC ».
On pense bien évidemment à la rumba congolaise, qui s’est exportée jusqu’à Cuba pour se transformer en salsa et a acquis tout récemment ses lettres de noblesse en étant reconnue par l’UNESCO comme patrimoine immatériel de l’Humanité. « On a reconnu l’enfant avant de reconnaître la mère », lâchera avec une pointe d’humour Mme Ruth TSHOMBE.
« Comme le scandale géologique, ce scandale culturel ne profite pas à la RDC », souligne-t-elle, en assurant cependant à tous que « le géant se réveille » et que son pays se doit donc d’envisager « des partenariats pour faire rayonner cette culture congolaise » sous toutes ses formes. « Chaque année à Kinshasa, souligne-t-elle, un Salon du Livre qui dure une semaine est organisé, et cela même si le livre reste encore un luxe ».
Mais Kinshasa n’est-elle pas « la première capitale francophone au monde », comme le souligne fort à propos Alfred MIGNOT, directeur d’AfricaPresse.paris, initiateur de ce cycle de Conférences des Ambassadeurs africains de Paris et modérateur du panel.
De gauche à droite sur la photo, le panel avant l’arrivée de Lionel ZINSOU, ancien Premier ministre du Bénin (photo du haut) : – Mme Valérie KA, Fondatrice de l’événement culturel afro-parisien Share Africa et de Africa Fashion UP – – Son Excellence Madame Isabel Machik Ruth TSHOMBE, Ambassadeur de la République démocratique du Congo. – Alfred MIGNOT, Diecteur AfricaPresse.Paris, concepteur et organisateur des Conférences des Ambassadeurs Africains de Paris – M. Mohamed ZOGHLAMI, Expert en Industries créatives numériques Afrique, cofondateur Africa in Colors – African creative Summit (Rwanda) / Cofondateur Afric’Up – Startup Africa Summit (Tunisie). – Mme Laetitia NORMAND, Fondatrice de l’association culturelle Le Rêve Africain et de l’Afro Pépites Show, marché des arts africains en ligne. © Patrick EZO-ANews
Mohmed Zoghlami : « À travers le numérique, la jeunesse africaine se ré-approprie son identité »
« La culture africaine a fait des petits de partout, mais elle ne le sait pas », enchaîne Mohamed ZOGHLAMI, expert international en industries créatives numériques et lui-même cofondateur en Afrique de plusieurs événements emblématiques. Il souligne et se réjouit que « la jeunesse africaine, complètement décomplexée et parfaitement connectée au monde, retrouve ainsi son identité ». D’où la nécessité de « mettre en avant cette industrie digitale, qui génère plus de 11 % de croissance » dans certains pays.
En Tunisie, à la tête d’une école ayant déjà formé plus de 15.000 jeunes au codage créatif et seule école reconnue et retenue par le programme Déclic de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), M. Zoghlami observe que « les jeunes ont puisé dans la culture et les mythes africains ». Et conclut pour s’en féliciter : « À travers le numérique, l’Afrique, la jeunesse africaine se ré-approprie son identité » car « elle a besoin de ce nouveau narratif ».
Lionel Zinsou : «Le couple tourismeet industries créatives est indissociable».
Troisième intervenant, Lionel ZINSOU, qui fut Premier ministre du Bénin en 2015 et 2016 et dirige aujourd’hui avec Donald KABERUKA la banque panafricaine d’investissement Southbridge, confirme lui aussi que les industries créatives sont « un gisement d’emplois très important » pour donner du contenu au tourisme et qu’un pays devienne ainsi une véritable « destination » touristique. Tant il est vrai que « le couple tourisme et industries créatives est indissociable ».
D’ailleurs, remarque Lionel Zinsou, l’actuel Président Patrice TALON qui « est le seul président de la République à avoir eu un passé d’hôtelier, y a été très attentif très tôt, dès le début de son mandat ; et je lui donne raison ».
L’ancien Premier ministre, qui « ne parle pas ici en banquier d’affaires », évoque en revanche la Fondation qu’il a créée à Ouida, chez lui au Bénin, et confiée à sa fille Marie-Cécile. Un exemple qui se veut mettre à l’honneur les entreprises philanthropiques et caritatives importantes dans le domaine culturel : « Le fait que l’on ait réussi à faire vivre tant bien que mal pendant 17 ans une Fondation où tout est gratuit, signifie que l’on a trouvé des ressources en nous-mêmes, mais avec aussi une espèce d’éducation au sponsoring national auprès des particuliers, auprès des entreprises et d’entreprises étrangères installées au Bénin » et l’on trouve de plus en plus de moyens dans le domaine associatif qui est « nécessaire au soutien de ces industries créatives qui sont encore en train de chercher leurs modèles économiques ».
Lionel Zinsou insiste encore sur « la nécessité d’associer les industries créatives au tourisme et au développement de l’artisanat » car cela peut être source d’emplois et de revenus importants, fort utiles à l’économie d’un pays. Le tourisme, qui « représente rarement plus de 7 % du PIB », constitue en effet une manne non négligeable.
C’est en réalité une contribution importante et « l’on s’en aperçoit notamment quand elle s’arrête », remarque-t-il. « On en a fait l’expérience en 2020 » et « cela paralyse de nombreuses entreprises, et particulièrement toutes celles liées au tourisme » . Or l’on sait aujourd’hui que sur les traces de l’Égypte, du Maroc ou de l’Afrique du Sud qui sont « des pays phares » en ce domaine, « beaucoup de pays africains ont maintenant des ambitions de développement du tourisme ».
Parmi les participants, ici dans la salle Tombouctou de La Maison de l’Afrique, on reconnaît de nombreuses personnalités de la vie africaine de Paris. © Patrick EZO-ANews
Tour d’Afrique et Africa Fashion Up en septembre à Paris
Fondatrice de l’association culturelle Le Rêve Africain et de l’Afro Pépites Show, Laëtitia NORMAND observe d’emblée que « l’Afrique ce n’est pas ce que l’on entend au JT avec les guerres, les crises, la famine ou les épidémies… Mais, c’est avant tout une extraordinaire richesse humaine et créative qui mérite d’être mise en valeur. »
Passionnée de longue date par ce grand Continent, elle a inventé en 2009 l’Afro Pépites Show, marché des arts en ligne, qui fêtera ses 13 ans, le 1er juillet prochain… Et en 2020, elle a entamé un véritable « tour d’Afrique » pour tenter de donner une nouvelle image du Continent. Elle a ainsi créé une plateforme ouverte à tous et a déjà initié quelque 54 projets artistiques. « Nous sommes des chercheurs de talents sur Internet », s’amuse-t-elle à souligner pour résumer en quelques mots son action tous azimuts.
Dernière à s’exprimer dans ce panel de haut niveau, la Franco-ivoirenne Valérie KA retrace rapidement sa carrière de top-model international ayant défilé pour les plus grands couturiers et stylistes (Yves Saint Laurent, Jean-Paul Gaultier, Lacroix) après avoir commencé dès 16 ans comme mannequin pendant les vacances scolaires à Paris, puis avoir signé son premier contrat avec l’agence Metropolitan. « Dans les ateliers de ces grandes marques parisiennes de la Haute couture, il y avait bien souvent des créateurs et des couturiers africains qui travaillaient », révèle-t-elle.
« C’est en ayant le privilège de participer deux fois au Forum économique de Davos, que m’est venue l’idée de créer Share Africa. Car ce que j’avais trouvé incroyable à Davos, c’est de pouvoir tous se retrouver dans la même salle et de communiquer ensemble quelles que soient nos origines et notre milieu social. C’est ce qui manque à l’Afrique ».
Un premier événement Forum Share Africa s’est ainsi déroulé en juillet 2021 en digital, suivi en septembre dernier d’un grand défilé de mode et d’une soirée de gala dans la cadre prestigieux de l’Hôtel Salomon de Rothschild, qui est l’une des cinq salles où l’on réalise les plus grand défilés de mode à Paris, toujours une capitale mondiale de la mode . « Pour une première, ce fut une réussite, car il y eut un vrai engouement pour la mode africaine ».
Forte de ce succès, Valérie Ka prépare dès à présent une seconde édition en septembre prochain à Paris, l’Africa Fashion Up et avoue – car elle ne manque pas d’ambition – que on rêve serait de l’organiser un jour au Grand Palais, si elle avait bien sûr plus de moyens et de soutiens des pays africains.
« L’industrie de la mode – il est vrai – n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse en Afrique », reconnaît d’ailleurs S.E. Mme Ruth TSHOMBE, en soulignant toutefois que « l’on commence à organiser des Fashion Week en RDC ». Et d’inviter les États africains à des Partenariats Public-Privé (PPP) « pour que les privés fassent fonctionner ces industries créatives et que la Culture puisse enfin prendre toute sa place » dans le développement du Continent. Avant d’ajouter, en guise de conclusion : « Et que la voix de l’Afrique, cette Afrique qui est belle, positive et se construit, devienne audible ! »
Photo de couverture : Son Excellence Madame Isabel Machik Ruth TSHOMBE, Ambassadrice de la République démocratique du Congo, et Lionel ZINSOU, ancien Premier ministre du Bénin, M. Mohamed ZOGHLAMI, Expert en Industries créatives numériques Afrique, cofondateur Africa in Colors – African creative Summit (Rwanda) / Cofondateur Afric’Up – Startup Africa Summit (Tunisie), lors de leur participation au panel de la IIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée par AfricaPresse.Paris à La Maison de l’Afrique, le 18 mai 2022. © Patrick EZO-ANews
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VOIR LE REPLAY DE LA CONFÉRENCE : https://youtu.be/7zfmjtPZbzg
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