La Chine rompt avec sa sacro-sainte politique de non-ingérence en parrainant une conférence pour la paix dans la Corne de l’Afrique, prévue du 20 au 22 juin à Addis Abeba. Un tournant majeur, motivé par les intérêts de l’empire du Milieu dans cette région, où Pékin a installé sa première base militaire à l’étranger.
Pékin vient de renoncer à son principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats souverains, longtemps érigé en dogme par le pouvoir chinois. Le géant asiatique, qui déverse chaque année des milliards de dollars sur le continent africain pour financer des projets d’infrastructures, tout en assurant que son influence se limite à la sphère économique, a confirmé le parrainage d’une conférence pour la paix dans la Corne de l’Afrique, selon une information rapportée ce lundi 6 juin par le quotidien South China Morning Post.
La conférence, qui vise à réduire les tensions dans cette région en proie à des crises politiques, sécuritaires et humanitaires complexes et interdépendantes, sera organisée dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba. Elle devrait enregistrer la participation de l’ensemble des pays de la région, selon le quotidien anglophone chinois.
L’agence de presse soudanaise officielle Suna a annoncé, de son côté, que l’ambassadeur de Chine à Khartoum, Ma Xinmin, a invité le Soudan à y participer lors d’une rencontre avec le sous-secrétaire par intérim du ministère des Affaires étrangères, Nadir Yousif Al-Tayeb. Suna a également indiqué que d’autres Etats de la région ont été invités à prendre part à cette conférence, ainsi que le commissaire de l’Union africaine (UA) et le secrétaire exécutif de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), un bloc régional regroupant sept pays d’Afrique de l’Est (Djibouti, Ethiopie, Kenya, Somalie, Soudan, Soudan du Sud et Ouganda).
Une première dans l’histoire de la diplomatie chinoise
La conférence pour la paix dans la Corne de l’Afrique, qui se tiendra au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, un bâtiment conçu, financé et construit par la Chine, constitue une première dans l’histoire de la diplomatie chinoise. Pékin avait jusque-là fustigé l’ingérence des Etats-Unis dans les affaires intérieures des pays de la Corne de l’Afrique, qui, selon elle, « sont capables de résoudre leurs problèmes sans ingérence extérieure ».
Certains experts pensent que ce changement de stratégie est essentiellement motivé par l’influence économique croissante de la Chine dans la région.
« Le parrainage d’une conférence pour la paix dans la Corne de l’Afrique par la Chine représente une véritable rupture avec la politique de non-ingérence que Pékin a longtemps pratiquée, et qui semble évoluer à mesure que son engagement en Afrique s’approfondit », souligne Aaron Tesfaye, professeur de sciences politiques à l’Université William Paterson de New Jersey, cité par South China Morning Post. Et d’ajouter : « Cette conférence est aussi est une démonstration de la puissance économique relative de la Chine, et une tentative de jouer un rôle plus significatif dans la gouvernance mondiale. Elle marque par ailleurs des changements dans la perception par Pékin des menaces qui pèsent sur ses intérêts à l’étranger ».
Importants intérêts économiques et militaires
L’empire du Milieu dispose d’importants intérêts économiques dans la Corne de l’Afrique. Cette région est en effet une destination majeure des prêts décaissés par Pékin dans le cadre de son initiative « les nouvelles routes de la Soie » pour financer des ports, des chemins de fer, des barrages et des autoroutes, notamment au Kenya, en Ethiopie et au Soudan.
La Chine a ainsi financé à hauteur de 4,5 milliards de dollars une liaison ferroviaire entre l’Éthiopie et Djibouti, pays où elle a établi sa première base militaire à l’étranger.
Des entreprises chinoises de BTP sont également impliquées dans la construction du barrage de la Grande Renaissance, sur le cours du Nil bleu, en Ethiopie, un projet qui suscite des tensions avec les pays situés en aval (Soudan et Egypte) craignant une diminution des débits d’eau et des apports de limon.
Les groupes chinois sont également en train de réaliser une percée en Erythrée, qui a rejoint l’initiative des nouvelles routes de la Soie en novembre dernier pour assurer le financement de ses nouveaux projets portuaires et ferroviaires.
Ces intérêts économiques sont cependant de plus en plus menacés par la multiplication de conflits et des crises dans la région, parmi lesquelles les troubles politiques consécutifs au coup d’Etat d’octobre dernier au Soudan, le conflit opposant le gouvernement fédéral éthiopien aux rebelles du Tigré ou le regain d’activisme du groupe djihadiste al-Shebab en Somalie et au Kenya.
Essayer la voie asiatique après l’échec de la voie occidentale
La Chine avait évoqué pour la première fois la tenue d’une conférence pour la paix dans la Corne de l’Afrique en février dernier, dans le sillage de la nomination du diplomate Xue Bing au poste d’envoyé spécial pour la région. Cet ancien ambassadeur de Chine en Papouasie-Nouvelle-Guinée a mené, ces dernières semaines, un intense ballet diplomatique qui l’a conduit au Kenya, en Erythrée, en Ethiopie, en Ouganda, au Soudan du Sud, à Djibouti et en Somalie pour tenter de rapprocher des points de vue parfois diamétralement opposés.
Les experts estiment cependant que la médiation chinoise a peu de chances de succès. « Avec sa décision de jouer un rôle constructif dans la résolution des conflits régionaux, la Chine entre officiellement en territoire inexploré. Son approche marque le début d’une compétition entre deux approches dans ce domaine : la voie occidentale, qui a été essayée et a échoué, et la voie asiatique qui doit encore être essayée dans la Corne de l’Afrique », souligne Seifudein Adem, professeur d’études internationales à l’Université japonaise de Doshisha, d’origine éthiopienne.
Plus catégorique, David Shinn, professeur à l’Elliott School of International Affairs de l’Université George Washington, et ancien ambassadeur des Etats-Unis en Ethiopie, estime que la conférence ne devrait pas déboucher sur des résultats significatifs. « Les problèmes sont nombreux et complexes, et les parties en présence ont montré peu de volonté de compromis. La Chine sait écouter, mais elle n’a montré jusqu’ici qu’un intérêt minime à prendre des mesures fortes qui sont souvent nécessaires pour résoudre un conflit », observe-t-il.
Réagissez à cet article
L’on sent bien que cet article a été écrit par un médias pro-occidental. Le journaliste est loin d’être neutre.
Monsieur
Merci pour votre commentaire mais sincèrement c’est pas contre pas du tout le cas. Au contraire, ici on souligne juste le fait que la Chine s’investit de plus en plus en Afrique et désormais diplomatiquement