La fondation norvégienne Norrsken a ouvert en décembre 2021 à Kigali la Norrsken House, première des 25 hubs technologiques qu’elle prévoit d’installer à travers le monde au cours de la décennie. Le choix de la capitale rwandaise n’est pas anodin et témoigne de l’intérêt que suscite le pays d’Afrique de l’Est auprès des acteurs de la tech en Afrique et dans le monde.
Un intérêt qui s’explique par un cadre réglementaire et des infrastructures propices au développement des start-up, fruits de l’ambition du président Paul Kagame de hisser son pays au niveau des mastodontes actuels de la tech africaine.
L’écosystème tech en Afrique connaît une croissance fulgurante depuis quelques années, marquée par des levées de fonds qui ont quintuplé entre 2018 et 2021 pour les start-up du continent. Cependant, dans la bataille pour attirer les investisseurs, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne et un quatuor de tête accapare chaque année la plus grosse part du financement destiné aux start-up africaines.
A leur tête, on retrouve le Nigeria avec 1,8 milliard de dollars de fonds récoltés en 2021 pour ses start-up. Selon les données de Partech, la première économie du continent est suivie de l’Afrique du Sud (832 millions $), de l’Égypte (652 millions $) et du Kenya (571 millions $). Ces quatre géants ont donc accaparé 3,8 milliards $, soit plus du tiers des 5,2 milliards obtenus par tous les pays du continent l’année dernière.
Des atouts indéniables
Avec 17 millions $ obtenus par des start-up du Rwanda en 2021, le pays a certes évolué (avec une croissance de 46% en glissement annuel), mais apparaît toujours comme un véritable petit poucet dans cette compétition. Le gouvernement rwandais nourrit cependant de grandes ambitions pour améliorer le statut du pays dans le paysage tech en Afrique, et dispose de plusieurs atouts pour y arriver.
Sa population est jeune, et environ 73,9% des Rwandais disposent d’une connexion mobile avec à la clé un taux de pénétration Internet de 31,4%, selon des données de DataReportal datant de janvier 2021. Grâce aux efforts menés dans le cadre du plan stratégique Smart Rwanda, l’alphabétisation numérique devient progressivement une réalité dans le pays qui peut se targuer d’une couverture quasi intégrale du territoire par le réseau 4G.
De plus, le Rwanda ne souffre pas des mêmes contraintes énergétiques que le géant nigérian et revendique, début 2022, un accès à l’électricité pour environ 70% des ménages du pays.
Porté par l’ambition du président Paul Kagame (photo) de faire de la technologie et de l’innovation « lemoteur de la transformation du Rwanda », le gouvernement facilite aussi la création d’entreprises en seulement quelques heures et sans débourser le moindre sou, avec un processus qui peut être effectué en ligne.
Ces facteurs ont notamment permis au Rwanda de se hisser à la 2e place en Afrique, dans l’édition 2020 du défunt rapport « Doing Business », qui évalue les pays pour la facilité qu’on y a pour mener des affaires.
L’autre carte maîtresse du plan rwandais est le développement de la Kigali Innovation City (KIC), un espace de 61 hectares destiné à abriter des universités de classe mondiale et des incubateurs pour les jeunes pousses technologiques.
« Le programme de transformation sociale et économique du Rwanda nécessite des investissements audacieux dans l’innovation et la technologie. KIC fournit à la fois l’infrastructure physique et l’écosystème alors que nous positionnons le Rwanda pour qu’il devienne un centre d’innovation panafricain », explique Paula Ingabire, ministre rwandaise des TIC et de l’Innovation.
Déjà quelques fruits visibles
Le cadre propice du Rwanda pour les jeunes entreprises et les investisseurs est, de l’aveu même du fondateur de Norrsken Niklas Adalberth, ce qui a incité l’organisation à s’installer à Kigali. « D’après la Banque mondiale, vous savez que Kigali est l’un des pays où il est le plus facile de faire des affaires en Afrique. Et il a construit des infrastructures en termes d’Internet, de trafic, etc. C’est donc une bonne condition préalable à la création de licornes », indique-t-il.
A la Norrsken House de Kigali, la fondation veut accueillir jusqu’à 1 000 entrepreneurs d’ici décembre 2022 et espère y soutenir l’émergence des prochaines licornes africaines (start-up valant au moins 1 milliard $). Norrsken a d’ailleurs lancé en début d’année un fonds de 200 millions $ pour atteindre encore plus rapidement ce but.
Rappelons toutefois que le hub de l’organisation norvégienne n’est pas le premier à voir le jour au Rwanda. D’autres acteurs y sont présents depuis quelques années et accompagnent les jeunes pousses au niveau financier, technique et juridique. C’est le cas du projet 250STARTUPS dont le but est d’accueillir par cohortes des start-up pendant six mois, afin de les aider à peaufiner progressivement leurs idées pour les présenter à des bailleurs de fonds sollicités pour l’occasion.
C’est aussi une initiative similaire que pilote Impact Hub Kigali en offrant notamment aux porteurs d’idées un espace de coworking pour échanger et solutionner des problèmes du quotidien grâce à la technologie. Signalons aussi la présence de l’américain Andela dans le pays depuis 2018, à travers un accord conclu avec les autorités pour la création d’un centre technologique panafricain.
La start-up de recrutement et de formation de développeurs africains a ouvert un bureau à Kigali pour assurer aux start-up qui se lancent dans le pays une main-d’œuvre de qualité.
Une attention particulière à l’égalité des genres
En Afrique, les financements alloués aux start-up fondées par des femmes restent assez marginaux et s’élèvent fin 2021 à 16% du total, contre 14% un an plus tôt, indique Partech. Le Rwanda entend se démarquer sur ce plan et compte appliquer aux start-up la recette de promotion du potentiel féminin qui lui a réussi dans les autres secteurs. Selon l’indice mondial sur l’écart entre les sexes, publié annuellement par le Forum économique mondial, le pays se classe en effet septième mondial et deuxième en Afrique, en matière d’efforts fournis pour se rapprocher de la parité.
A travers l’Institut africain des sciences mathématiques installé dans le pays et qui offre des cohortes paritaires pour les hommes et les femmes, ou le concours Miss Geek qui permet aux filles de présenter leurs solutions innovantes en science et technologie, le pays prépare une génération de jeunes femmes susceptibles de réduire le gap actuel avec les hommes dans le paysage tech en Afrique.
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