Les relations du continent à l'international changent. Tandis qu'elles s'effritent avec l'Europe et la France, ces relations se renforcent, aussi bien avec la Chine qu'avec la Russie. Entretien avec Loup Viallet : analyste et spécialiste de l'Afrique.
Loup Viallet est spécialiste de l’économie et de la géopolitique de l’Afrique contemporaine. Fondateur en 2017 du blog « Questions africaines », ses analyses ont été publiées dans Les Echos, Le Journal de l’Economie, Le Nouvel Economiste, mais encore Mondafrique, Cameroonvoice et beaucoup d’autres…
Expert des questions africaines, il a été invité à donner des conférences à l’IEP Paris, à l’ESSEC, à l’Ecole Supérieure de Commerce et des Affaires de Côte d’Ivoire et à l’institut de formation Sainte-Marie. Il a travaillé comme conseiller politique au Conseil de Paris, au Parlement européen et au Conseil Régional du Grand-Est.
Son livre « La fin du franc CFA » figure dans les catalogues de 17 bibliothèques universitaires dans le monde, parmi lesquelles, la prestigieuse bibliothèque universitaire d’Harvard et la plus grande bibliothèque économique du monde : la Bibliothèque nationale allemande d’Économie.
« Au départ, je viens du monde politique et j’avais pris conscience du fait que l’Afrique, en tant que continent, en tant que problématique, n’était pas prise au sérieux par les responsables politiques avec lesquels je travaillais, notamment depuis 2011 » explique Loup Viallet.
Que pourraient attendre les Européens des Africains pour mieux travailler ensemble ?
« 40% du commerce africain dépend des Européens. Donc les investissements des entreprises européennes sont parmi les premiers sur le continent africain. Il y a d’abord une dépendance financière, commerciale, une indépendance monétaire. 60% du continent africain est polarisé par le dollar et 40% par l’euro. Vous n’avez pas de monnaie complètement souveraine, c’est à dire qui ne dépendent ni des fluctuations du dollar ni de l’euro sur le continent africain ».
« Vous avez, de la part de beaucoup de responsables africains dans les coulisses, une très grande clarté quant aux enjeux économiques, financiers et militaires qu’il y a avec l’Europe, entre l’Europe et l’Afrique, entre la France et par exemple les pays de la zone franche. En revanche, il existe en Afrique des rumeurs qui décrivent une sorte de mythe, de fantasme selon lequel la France continuerait, pour des raisons fallacieuses à être une puissance néo-coloniale depuis les années 60, et que finalement, la richesse et la prospérité de la France reposerait d’abord sur les richesses africaines. »
La Chine et la Russie, sources d’instabilité en Afrique ?
La manière qu’a la Chine de commercer avec l’Afrique, les empêche de se transformer économiquement, de s’industrialiser et les laisse englués dans un modèle qui ne leur permet pas de se développer.
Loup Viallet
« Ce qui est gênant avec l’arrivée de la Chine sur le continent africain, c’est non pas qu’elle commerce, ce qui est une bonne chose, mais c’est que depuis les années 2000, la Chine a nourri une grande partie de sa croissance intérieure grâce à des matières premières africaines. On a vu les importations de produits bruts africains se décupler et une balance commerciale déficitaire pour les pays africains. Autrement dit, la Chine a contribué à faire en sorte que l’Afrique reste prisonnière de ses matières premières et de la même manière, la Chine a conduit les pays africains à faire beaucoup de déficits et donc à créer une sorte de dépendance, notamment à travers les dettes publiques envers la Chine, qui est maintenant leur premier bailleur de fonds. »
Le cas de la Russie
Les relations de la Russie avec l’Afrique sont purement militaires et diplomatiques selon Loup Viallet.
« La Russie ne fait pas ou très peu d’aide au développement, elle intervient dans des théâtres d’opérations où les États ont failli. La Russie se nourrit de l’instabilité croissante qu’il y a en Afrique subsaharienne pour placer ses pions et pour essayer d’influer surtout sur l’Europe. »
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