Cette question est une préoccupation majeure aussi bien à l’échelle des pays qu’au niveau des instances continentales.
L’Union africaine (UA) a lancé en marge de son 35ème sommet qui se tenait du 5 au 6 février dernier à Addis-Abeba en Ethiopie, l’année 2022 avec la nutrition comme priorité de son agenda politique.
Durant son allocution, Macky Sall, président en exercice de l’organisation continentale a indiqué que l’accent serait mis sur le thème : « Bâtir une résilience en matière de sécurité nutritionnelle sur le continent africain : renforcer les systèmes agroalimentaires et les systèmes de santé et de protection sociale pour accélérer le développement socio-économique et du capital humain ».
Dans ce cadre, l’organisation entend déployer plusieurs interventions relatives au plaidoyer pour l’augmentation des investissements nationaux dans le domaine de la nutrition, le renforcement des capacités des institutions, la mise en place des plateformes multiacteurs pour la coordination et l’échange de bonnes pratiques entre pays et la gestion des données et des systèmes d’information nutritionnels.
Plus globalement, cette thématique adoptée à l’initiative de la Côte d’Ivoire intervient à un moment où la situation alimentaire et nutritionnelle du continent reste préoccupante. Selon le dernier rapport de la FAO, 21 % de la population soit 418 millions de personnes étaient sous-alimentées en 2020.
Par ailleurs, elle sonne comme un appel à la remobilisation dans un contexte où l’Afrique n’est pas en bonne voie pour atteindre l’objectif d’élimination de la malnutrition infantile en vue de faire baisser le retard de croissance à 10 % et l’insuffisance pondérale à 5 % d’ici 2025 comme fixé dans le cadre des engagements pris en 2014 à Maputo.
D’après l’UA, le continent abritait en 2019, 58,7 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrant de retard de croissance, soit plus du tiers de l’effectif mondial et seulement 7 pays membres affichent un taux de retard de croissance infantile en dessous de 19 %.
La nécessité d’un changement de logique dans la conception des politiques alimentaires
Si par le passé, les gouvernements africains se sont cantonnés à la dimension de l’apport calorique pour faire face à la carence en micronutriments liée aux disponibilités alimentaires insuffisantes, la réalité est devenue beaucoup plus complexe.
A cet aspect, se sont ajoutés sur la dernière décennie, d’autres problématiques nutritionnelles majeures comme la surconsommation de graisses, de sucre et de sel qui ont conduit à une hausse de la prévalence de l’obésité, du surpoids, du diabète et des maladies cardiovasculaires.
« On observe par exemple, dans des familles, des gens qui sont obèses, mais présentent des carences en Fer ou en Vitamine A. C’est cela aussi la nouvelle complexité de l’équation. La montée de l’obésité ne s’est pas faite après la disparition des maladies de carence. On a les deux qui coexistent dans un même pays, entre milieu rural et urbain, dans une même ville, entre riches et pauvres, au sein d’une même famille entre parents et enfants […]. On peut être en surpoids, voire obèse et être carencé en certains micronutriments. On parle même de triple fardeau, parce que dans un pays donné vous pouvez avoir des gens qui sont en insuffisance de consommation calorique, en particulier en milieu rural, des individus qui présentent des carences en micronutriments et des gens qui sont en surpoids ou en situation d’obésité », avait confié à l’Agence Ecofin, Nicolas Bricas, agroéconomiste au CIRAD et dirigeant de la Chaire Unesco Alimentations du Monde (AdM).
Un tel constat impose notamment un changement de paradigme dans l’élaboration de politiques alimentaires qui intègrent non seulement la question de la disponibilité des micronutriments, mais aussi les dimensions liées à l’accessibilité économique à une nourriture diversifiée en s’attaquant notamment à la pauvreté et au manque d’éducation ;
« Il y a une nouvelle façon d’aborder la question, par exemple, celle de la création d’environnements alimentaires, c’est-à-dire un système qui permet de suivre les stocks, notamment ce qu’il y a dans les magasins, les prix afin qu’ils soient plus favorables à la santé alors qu’aujourd’hui, ils sont relativement favorables à l’obésité. Il faut que ces questions deviennent une préoccupation majeure des politiques alimentaires et cela suppose aussi le fait de former des gens capables de faire des analyses ou de proposer des alternatives », suggère pour sa part Nicolas Bricas.
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