Les deux dernières décennies ont été marquées par la politique de réouverture de la Turquie sur l’Afrique. Ankara a renforcé sa présence sur le continent, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Ce considérable rapprochement, impulsé par le principal vecteur qu’est la diplomatie, s’étend à de nombreux domaines allant de l’industrie de la défense au commerce, de l’éducation à la culture, de la santé à l’humanitaire.
La volonté de la Turquie de renforcer ses liens avec les pays africains, des « partenaires stratégiques », se traduit notamment par les nombreuses visites de haut niveau de décideurs turcs, à l’instar de Recep Tayyip Erdogan qui, en tant que Premier ministre et Président, s’est rendu dans pas moins de 30 pays sur les 55 que compte l’organisation régionale, l’Union africaine (UA).
Ce réchauffement des relations a eu le mérite de remettre au goût du jour les affinités culturelles, linguistiques et religieuses, déjà existantes entre le peuple turc et certains peuples du continent africain.
En réponse à cet intérêt d’Ankara, les pays africains ont pris pied en Turquie, notamment sur le plan diplomatique. L’Afrique compte désormais un réseau de 37 ambassades dans la capitale turque, alors qu’il n’en existait que 10 au début du troisième millénaire. En outre, les dirigeants d’États africains effectuent de plus en plus de visites officielles en Turquie, conclues par la signature d’accords dans de nombreux domaines participant à l’amélioration des relations bilatérales et multilatérales.
La dernière en date est celle du Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, du 15 au 17 mai courant, en marge de laquelle Ankara et Alger se sont engagées à renforcer leur coopération, particulièrement dans le domaine de l’industrie de la défense.
Toujours en droite ligne avec ces consultations de haut niveau, le sommet de la coopération Turquie-Afrique, troisième du genre, s’est tenu les 17 et 18 décembre 2021 à Istanbul, réunissant outre 17 chefs d’État et de gouvernement africains autour de leur homologue turc, 102 ministres des pays africains.
Loin de la sphère politique, l’Afrique s’affirme aussi en Turquie par le biais de la culture. De nombreuses initiatives privées ont été menées par les acteurs culturels africains dans le pays. La Turquie, autrefois absente de la liste des destinations des acteurs culturels africains, déroule progressivement le tapis rouge à l’exposition du produit de l’imagination de certains artistes africains de renom.
D’ailleurs, l’icône de la musique malienne, Salif Keita se produira à Ankara le 3 juin 2022. En vue d’accompagner et de promouvoir ces efforts, “la Maison d’Afrique”, a ouvert ses portes dans la capitale turque, Ankara. La structure fondée en 2016 sous l’impulsion de la première dame turque, Emine Erdogan et dont l’objectif est de mettre en valeur le travail artisanal réalisé par les femmes africaines, bénéficie de l’accompagnement de premières dames de ce continent. En témoignent les importantes visites effectuées par celles-ci en marge des visites officielles de leurs époux, ainsi que l’échange d’objets qui enrichissent les rayons de ce lieu de métissage culturel.
Le sport, un vecteur de rapprochement
Les acteurs sportifs africains constituent, eux aussi, un pan de la présence africaine en Turquie. Ils y arborent, depuis des décennies, la casquette d’ambassadeurs du continent. Le championnat d’élite du pays a connu le passage d’une pléthore de footballeurs africains, dont des gloires au rang de Didier Drogba, Emmanuel Adebayor ou encore Samuel Eto’o. En plus du niveau de compétitivité qui va crescendo, le niveau des infrastructures sportives et le degré d’organisation sont souvent cités pour expliquer le choix de la destination Turquie.
C’est le même constat qu’établit Marine Fatoumata Colette Camara (27 ans), boxeuse malienne, pratiquante de la Boxe anglaise. La médaillée des Jeux olympiques d’Afrique a participé aux championnats du monde de boxe organisés du 6 au 21 mai dans la métropole Istanbul. Elle a défendu les couleurs du Mali dans la catégorie des poids plumes (-57 kg), sortie au premier tour par l’Italienne, Irma Testa, médaillée de bronze à Tokyo et vice-championne du monde à Istanbul. « J’ai été frappée par la grandeur des infrastructures à mon arrivée en Turquie, a-t-elle confié.
C’est immense et c’est partout ainsi. J’ai été impressionnée par le mélange entre la modernité et les traditions. J’apprécie beaucoup la diversité sur le plan social ainsi que le vivre ensemble qui est une réalité. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à apprendre de la Turquie. Le pays valorise beaucoup ses athlètes, qu’ils soient hommes ou femmes. D’ailleurs, il y a une très grande équipe féminine de boxe ici, et cinq boxeuses vont participer aux finales des championnats du monde ; c’est énorme. Je pense qu’il y a une culture de sport qui est inculquée dès le plus jeune âge. C’est impressionnant ».
L’athlète malienne, qui a occupé le 15ème rang dans sa catégorie en 2020, s’était déjà rendue en Turquie en mai 2021 pour participer au tournoi du Bosphore. Une collaboration entre le Mali et la Turquie dans le domaine sportif aiderait, selon elle, son pays à acquérir une meilleure visibilité sur la scène internationale.
« La Turquie a un bon système local de base. Tous les boxeurs sont sous contrat avec des clubs. Les clubs ont les différentes sections (football, boxe, volleyball etc.), a-t-elle poursuivi. C’est une situation qui leur permet de se concentrer sur leur passion. Les autorités du pays ont compris que le sport est une question de souveraineté intérieure et extérieure. J’espère que ce système de sport institutionnel sera implémenté au Mali, parce que le sport apporte de la visibilité, surtout les Jeux olympiques. La boxe féminine est l’une des meilleures au monde. Un partenariat avec la Turquie serait bénéfique au mouvement sportif malien. »
Bourses d’études
La Turquie, d’autre part, à travers la Présidence Turcs de l’étranger et des communautés apparentées (YTB), a accordé des bourses d’études à plus de 314 mille étudiants africains au cours des dix dernières années. Parallèlement, de nombreux jeunes africains privilégient de plus en plus la destination Turquie pour mener leurs études, faisant des étudiants l’une des plus importantes composantes de la communauté africaine en Turquie.
Arrivé en Turquie en 2018, Ibrahimou Hamidou, Camerounais, poursuit ses études doctorales en sciences politiques et sociale à l’université Haci Bayram, située à Ankara.
Selon lui, la Turquie s’affirme au fil du temps comme un nouveau pôle non pas seulement sur le plan économique, mais aussi du tourisme, de la santé, et surtout académique. Autant de facteurs qui servent de motivation pour les étudiants africains souhaitant y faire leurs études.
« Le choix de la Turquie relève de la curiosité, mais aussi du fait que je bénéficie d’une bourse d’études, a-t-il révélé. La disponibilité des infrastructures de qualité est un avantage dont bénéficient les étudiants africains en Turquie. Il y a un cadre adéquat pour mener à bien nos travaux. Les étudiants sont beaucoup plus réceptifs aux enseignements et il est plus facile d’interagir avec les enseignants. Aussi, les bourses offertes par le gouvernement et les autres structures turques permettent de mieux se consacrer aux études ».
Il ajoute que les étudiants africains formés en Turquie servent désormais de pont entre leurs différents pays et la Turquie, qui est résolument engagée dans une politique d’ouverture, particulièrement en Afrique.
« Les universités turques sont quasiment égales aux universités occidentales en termes de standards. En plus, on y dispense l’enseignement de plusieurs langues, dont le turc, le français ou encore l’anglais. Les étudiants africains ont donc la possibilité d’apprendre une nouvelle langue. Ainsi, lorsqu’une structure turque décide de mener des activités dans un pays, ils peuvent intervenir, et je pense qu’il s’agit là d’une plus-value.
Ils possèdent l’avantage majeur d’être bilingue voire trilingue. Les universités turques sont bien équipées pour les étudiants dans les sciences fondamentales. Les ingénieurs formés ici ont la capacité de faire la théorie et la pratique sans véritables difficultés. C’est donc une main d’œuvre largement aguerrie et prête au marché du travail », note-t-il.
Les relations entre la Turquie et les pays du continent africain ont un grand potentiel d’amélioration à l’instar du volume commercial bilatéral turco-africain qui était de 5,4 milliards de dollars en 2003, et a dépassé les 25 milliards de dollars en 2020, malgré les effets négatifs de la pandémie de Covid-19. Plusieurs initiatives africaines prennent corps dans les différents coins de la Turquie, en signe de confiance et de la longévité que les différentes parties accordent à leurs partenariats.
Source Agence Anadolu
Réagissez à cet article